03 avril 2010
Ferhat Abbas
Ferhat Abbas
Ferhat Abbas (1899 - 1985) (en arabe : فرحات عباس, en kabyle: Ferḥat Σabbas), de son vrai nom Ferhat Mekki Abbas, était un homme politique algérien, leader nationaliste et membre du FLN durant la guerre d'indépendance de l'Algérie. Premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) de 1958 à 1961, il est élu, après l'indépendance du pays, président de l'Assemblée nationale constituante devenant ainsi le premier Chef d'État de la République algérienne démocratique et populaire.
Enfance et éducation
Il est né dans la Commune d'Oudjana dans un lieu dit "Bouafroune", à 10 km au sud de Taher (dans l'actuelle wilaya de Jijel), le 24 août 1899, dans une famille paysanne kabyle de 12 enfants. Fils de caïd, son père est Saïd Ben Ahmed Abbas et sa mère Maga bint Ali. Sa famille originaire de la petite Kabylie, a dû quitter la région après l'échec de la révolte menée en 1871 par Mohamed El Mokrani. Le grand père est alors chassé de ses terres par les autorités françaises et reconduit à la condition de fellah. Condamné à être ouvrier-agricole, il descend des Hauts-plateaux pour se rendre sur la côte.
Entré à l'école à l'âge de dix ans, Ferhat Abbas fait ses études primaires à Jijel et, bon élève, il est envoyé en 1914 faire ses études secondaires à Philippeville (actuelle Skikda). De 1921 à 1924, il fait son service militaire et commence déjà à écrire des articles pour différents journaux sous le pseudonyme de Kamel Abencérages. Étudiant en pharmacie à la faculté d'Alger de 1924 à 1933, il devient le promoteur de l'Amicale des étudiants musulmans d'Afrique du Nord, dont il est vice-président en 1926-1927, puis président de 1927 à 1931, date à laquelle il transforme l'amicale en association. Il est également élu vice-président de l'UNEF lors du Congrès d'Alger de 1930.
Lutte contre l'idéologie coloniale.
Ferhat Abbas est d'abord favorable à la politique d'assimilation avec un maintien du statut personnel, il milite activement au Mouvement de la Jeunesse Algérienne, qui réclame l'égalité des droits dans le cadre de la souveraineté française.
En 1931, il publie le livre Le Jeune Algérien, regroupant notamment ses articles écrits dans les années 1920, et dont la thèse se rapporte à la lutte contre la colonisation pour assurer l'entente entre les Français et musulmans. Il dénonce notamment 100 ans de colonisation française. Dans ce livre, il est aussi question d'« algérianité », de convoitise des colons, d'État Algérien et d'Islam : « Nous sommes chez nous. Nous ne pouvons aller ailleurs. C'est cette terre qui a nourri nos ancêtres, c'est cette terre qui nourrira nos enfants. Libres ou esclaves, elle nous appartient, nous lui appartenons et elle ne voudra pas nous laisser périr. L'Algérie ne peut vivre sans nous. Nous ne pouvons vivre sans elle. Celui qui rêve à notre avenir comme à celui des Peaux-Rouges d'Amérique se trompe. Ce sont les Arabo-berbères qui ont fixé, il y a quatorze siècles, le destin de l'Algérie. Ce destin ne pourra pas demain s'accomplir sans eux ».
Diplômé docteur en pharmacie en 1933, il s'établit à Sétif où il devient rapidement une importante figure politique en devenant conseiller général en 1934, conseiller municipal en 1935 puis délégué financier. Il adhère à la « Fédération des élus des musulmans du département de Constantine » en tant que journaliste au sein de son organe de presse, l'hebdomadaire L'Entente franco-musulmane (communément appelé L'Entente), et se fait très tôt remarquer par son président le docteur Bendjelloul qui le promeut, en 1937, rédacteur en chef du journal.
Plus radical dans son combat et dans ses revendications, dénonçant notamment le « code de l'indigénat », il fonde son propre parti en 1938, l'Union populaire algérienne. L'Entente devient alors une véritable tribune politique pour Ferhat Abbas.
Vers la cause nationaliste
Engagé volontaire dans l'armée française en 1939, déçu par le régime de Pétain, la Seconde guerre mondiale a mis un terme à ces espoirs d'« égalité dans le cadre d'une souveraineté française », le convainquant que le colonialisme était « une entreprise raciale de domination et d'exploitation » dans laquelle même les élites républicaines françaises les plus éclairées étaient entièrement impliquées.
Après le débarquement allié, Ferhat Abbas profite de la nouvelle audience que donne le gouvernement provisoire de la République française (GPRF) aux Algériens, et publie, le 10 février 1943, un manifeste demandant un nouveau statut pour l'Algérie : le « Manifeste du peuple algérien », suivi d'un additif en mai, un « Projet de réformes faisant suite au Manifeste du Peuple algérien » faisant notamment allusion à une nation algérienne. Le projet est alors soumis à la « Commission des réformes économiques et sociales musulmanes » tout juste créée par le gouverneur général Peyrouton. Mais son successeur, le général Georges Catroux, bloque le projet et rejette les initiatives prises par Ferhat Abbas qui est, de septembre à décembre, assigné à résidence à In Salah par le général de Gaulle.
Le 14 mars 1944 il crée l'association des Amis du manifeste de la liberté (AML) soutenu par le cheikh Brahimi de l'Association des oulémas et Messali Hadj. En septembre 1944, il crée l'hebdomadaire Égalité (avec pour sous-titre Égalité des hommes - Égalité des races - Égalité des peuples). Au lendemain des émeutes de Sétif de mai 1945, tenu pour responsable avec Mohammed Bachir et Chérif Saâdane, il est arrêté et l'AML est dissoute. Libéré en 1946, Ferhat Abbas et son compagnon de cellule Chérif Saâdane également arrêté pour le massacre de Sétif fondent l'Union démocratique du manifeste algérien (UDMA). En juin, le parti obtient 11 des 13 sièges du deuxième collège à la seconde Assemblée constituante et Ferhat Abbas est élu député de Sétif.
Combat indépendantiste
Après le refus à deux reprises de son projet sur le statut de l'Algérie, il démissionne de l'assemblée en 1947. Il durcit alors ses positions, l'hebdomadaire l'Égalité devient, en février 1948, Égalité - République Algérienne puis République Algérienne en juin de la même année. Alors qu'il y annonce dès 1953 une rupture imminente et définitive, le Front de libération nationale (FLN) lance le 1er novembre 1954 les premières actions armées et marque le début de la « révolution algérienne ».
Il rejoint, d'abord secrètement, en mai 1955 le FLN, après plusieurs rencontres avec Abane Ramdane et Amar Ouamrane, puis annonce publiquement son ralliement et la dissolution officielle de l'UDMA lors d'une conférence de presse au Caire le 25 avril 1956. Dès le 20 août 1956, à l'issue du congrès de la Soummam, il devient membre titulaire du CNRA (Conseil national de la révolution algérienne), puis entre au CCE (Comité de coordination et d'exécution) en 1957. Ferhat Abbas devient ensuite président du premier Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) à sa création le 19 septembre 1958, puis du second GPRA, élu par le CNRA en janvier 1960. En août 1961, considéré comme n'étant pas assez ferme face au gouvernement français, il est écarté du GPRA et remplacé par Ben Youcef Ben Khedda.
À l'indépendance de l'État algérien, lors de la « crise de l'été 1962 », opposant le GPRA de Ben Khedda et le bureau politique du FLN, Ferhat Abbas rallie le 16 juillet les partisans de Ben Bella, tout en désapprouvant le principe de parti unique retenu par le programme du congrès de Tripoli. Il succède à Abderrahmane Farès, président de l'Exécutif provisoire, et devient le président, élu par 155 voix contre 36 blancs ou nuls, de la première assemblée nationale constituante (ANC) fixée le 20 septembre. Le 25 septembre 1962, il proclame la naissance de la République algérienne démocratique et populaire.
Militant démocrate
Il quitte ses fonctions le 15 septembre 1963 suite à son profond désaccord avec la politique de « soviétisation » de l'Algérie par Ahmed Ben Bella dénonçant « son aventurisme et son gauchisme effréné » qui l'exclura du FLN et l'emprisonnera à Adrar dans le Sahara la même année. Il est libéré en mai 1965, à la veille du putsch du 19 juin par Houari Boumediene.
Retiré de la vie politique, mais toujours militant et fervent démocrate, il rédige avec Ben Youcef Ben Khedda, Hocine Lahouel, ex-secrétaire général du PPA-MTLD, et Mohamed Kheireddine, ex-membre du CNRA, en mars 1976, un « Appel au peuple algérien », réclamant des mesures urgentes de démocratisation et dénonçant « le pouvoir personnel » et la Charte Nationale élaborée par Boumediene. Il est alors une nouvelle fois assigné à résidence jusqu'au 13 juin 1978. En 1980, il publie ses mémoires dans Autopsie d'une guerre puis, en 1984, dans L'Indépendance confisquée, virulente dénonciation de la corruption et de la bureaucratie, qui régnait en Algérie, engendrée par les régimes successifs de Ben Bella et Boumediene. Il est décoré au nom du président alors en exercice, Chadli Bendjedid, le 30 octobre 1984, de la médaille du résistant dans sa villa du quartier de l'Hussein Dey. Ferhat Abbas est mort à Alger le 24 décembre 1985. Il est enterré au Carré des martyrs du cimetière El Alia d'Alger.
Œuvres
* Le Jeune Algérien. La Jeune Parque, Paris, 1931 [réédition Garnier, 1981. Le Jeune Algérien : 1930. De la colonie vers la province. (suivie de) Rapport au maréchal Pétain : Avril 1941. (ISBN 2705003584)].
* J'accuse l'Europe. Libération, Alger, 1944.
* Guerre et révolution I : La nuit coloniale. Julliard, Paris, 1962.
* Autopsie d'une guerre : L'aurore. Garnier, Paris, 1980 (ISBN 2705002901).
* L'indépendance confisquée. Flammarion, Paris, 1984 (ISBN 2080647180).
07:28 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ferhat abbas, algérie
02 avril 2010
Messali Hadj
Messali Hadj
Messali Hadj (arabe : مصالي الحاج), né à Tlemcen (Algérie) en 1898 et mort à Paris en 1974, est un homme politique algérien.
Pionnier de la lutte anticoloniale, il est le père spirituel de l'indépendance de l'Algérie. Fondateur en 1926 de l'Étoile nord-africaine (ENA), il fonde après sa dissolution en 1937 le Parti du peuple algérien (PPA) puis le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) en 1946, viviers dans lesquels vont être formés les cadres de la lutte de libération nationale.
Etoile Nationale Algérienne, Parti du Peuple Algérien, Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratique.
Il émigre à Paris après la Première Guerre mondiale, fréquente le Parti communiste français (PCF) et se marie avec une Française, Emilie Busquant ; ils auront deux enfants : Ali et Djanina.
Dès 1926, président fondateur de l'Étoile nord-africaine (ENA), il dénonce l'arbitraire dont est victime le peuple algérien et pose le problème de l'indépendance nationale. Malgré les tracasseries de l'administration française, emprisonné à maintes reprises et déporté, il continue à militer après la dissolution de l'ENA par le Front populaire en janvier 1937. Il participe alors à la fondation du Parti du peuple algérien (PPA) le 11 mars 1937.
C'est lors de la parade du 14 juillet 1937 organisée par le Parti communiste algérien (PCA) au nom du Front populaire français, que le drapeau algérien, confectionné par Mme Messali, est déployé pour la première fois dans les rues d'Alger. Sous l'influence de Chekib Arslan il s'éloigne alors du Parti communiste, hostile à l'idée d'indépendance.
En 1941, il est condamné aux travaux forcés et les manifestations demandant sa libération sont une des causes des manifestations à Sétif en mai 1945, violemment réprimées. En tournée en Algérie, il arrive à Orléansville le 14 mai 1952. Les forces de l'ordre ouvrent le feu durant son discours, faisant deux morts et de nombreux blessés. En fin de soirée, Messali Hadj est kidnappé et déporté en France, où il est placé en résidence forcée. Lors de manifestations du MTLD contre la répression du 14 mai et la déportation de Hadj, la police réagit violemment à Montbéliard, au Havre et à Charleville, faisant trois morts et des centaines de blessés. Messali Hadj fut libéré de prison en 1958 et assigné à résidence en France.
Cependant, sa stratégie réformiste est jugée trop modérée par une partie de la jeunesse nationaliste qui considère que le temps de la lutte armée est venu. La fondation du Front de libération nationale (FLN) et l'adhésion croissante que ce nouveau parti suscite en Algérie entraîne la marginalisation progressive de Messali Hadj.
Mouvement national algérien (MNA)
En 1954, il fonde le Mouvement national algérien (MNA) qui s'oppose au FLN et qui est le seul parti d'inspiration socialiste à ne pas être absorbé dans le front combattant pour l'indépendance. La lutte fratricide entre « messalistes » et « frontistes », au sein même du mouvement de libération est extrêmement sanglante, tant en Algérie qu'en métropole, dans l'immigration (on dénombre 4.600 morts en métropole parmi les 2 mouvences). Assigné à résidence à Angoulême (Charente), Messali Hadj perd peu à peu son influence. Le gouvernement français tentant cependant de profiter des rivalités internes au mouvement nationaliste algérien essaye de faire participer le MNA aux négociations d'indépendance qui ont lieu à partir de 1961. Le FLN s'y oppose, ce qui déclenche de nouveaux règlements de comptes entre les partisans de ces deux organisations.
Messali Hadj n'obtient la nationalité algérienne qu'en 1965. Son rôle dans la fondation du nationalisme algérien est toujours minoré par les autorités algériennes actuelles.
Il meurt en 1974 sans avoir pu revoir son pays natal.
Bibliographie
* Messali Hadj, Mémoires 1898-1938, Ed. ANEP, Alger 2006.
* Benyoucef Benkhedda, Les origines du 1er novembre 1954, Ed. Dahlab, Alger, 1989
* Les cahiers du centre fédéral, n° 33, « Le retour de l'histoire. Messali Hadj », Centre Henri Aigueperse-UNSA éducation, 87 bis, avenue Georges-Gosnat 94200 Ivry-sur-Seine.
* Benjamin Stora, Messali Hadj, Paris, L'Harmattan, 1986.
* Messali Hadj : pionnier du nationalisme algérien, 1898-1974. Par Benjamin Stora, Messali Hadj. Publié par RAHMA, 1991
07:18 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : messali hadj, algérie, mna, messaliste
31 mars 2010
Concours Francomot : le jury préfère le « ramdam » au « buzz »
Concours Francomot : le jury préfère le « ramdam » au « buzz »
Le concours Francomot organisé par le secrétariat d'Etat à la francophonie a rendu mardi ses arbitrages sur les mots français proposés pour 5 anglicismes liés aux nouvelles technologies.
Peut-être bientôt ne dirons-nous plus « buzz », « chat », « newsletter », « talk » ou « tuning » mais « ramdam », « éblabla » ou « tchatche », « infolettre », « débat » ou « bolidage ».
Ces équivalents français à des termes très répandus dans l'univers des nouvelles technologies sont le fruit des propositions faites par des étudiants dans le cadre du concours Francomot organisé par le secrétariat d'Etat à la francophonie sous la houlette d'Alain Joyandet.
L'académicien Jean-Christophe Rufin présidait le jury dans lequel on trouvait notamment le rappeur MC Solaar et l'artiste Sapho. Ils ont finalement retenu les 5 mots cités plus haut après avoir débattu autour de propositions pour le moins originales. Ainsi les étudiants ont-ils proposé de remplacer le mot buzz par « actuphène, bruip, cancan, écho, échoweb, foin, ibang, potins ou réseaunance ». Ce sera finalement « ramdam ».
En lieu et place de « talk », le jury a vu passer « parlage, parlotte, discut', échapar, débadidé, débatel, débafusion » pour finalement sagement choisir « débat ». Reste à voir quel sera désormais le destin de ces nouveaux termes. (Eureka Presse).
Je revendique les mots Ramdam et Tchatche comme étant issu du Pataouète !
Certainement "rapatriés" par la Pègre Parigote originaire d'Afrique du Nord mais de
"la Bas Dih !".
Aïe, Aïe Aïe ! mon fiiils, si on'étaient pas là y tchatcheraient le Rosbif !
09:55 Écrit par Pataouete dans L'Algérie, Mes humeurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : chat, société, politique, francophonie
29 mars 2010
En Avril sur Pataouète !
En Avril sur Pataouète !
Je vais engager toute une série de Notes sur les hommes qui au XXème siècle ont marqué l'Histoire de l'Algérie, qu'ils soient Nationalistes, Indépendantistes, Français Ultras,... Une seule obligation pour moi : il s'agira de dresser des portraits Biographiques sans connotation ou appréciation de leurs rôles et de leurs positions politiques.
J'ai déjà rédigé 4 notes sur des leaders Indépendantistes, je publierai aussi des notes sur les leaders français de 58 à 62 dès lors que trouverai des textes biographiques et sereins, pas tendancieux.
Le Camp d'internement de Lodi
Je viens de trouver un excellent article publié dans le Nouvel Observateur qui, pour la première fois relate ce que fût la vie des militants qui n'étaient pas d'accord avec la tournure des événements et qui ont été internés dans des camps de façon tout à fait arbitraire et pendant de nombreuses années.
Cet article nécessitera plusieurs notes pour reprendre ma théorie que seules les notes courtes sont lues.
Internet Explorer !
De nouveau, mes visiteurs utilisant Internet Exploreur ne peuvent lire mes notes.
Je ne veux pas utiliser la procédure que j'avais trouvée début janvier car elle troublait mes commentateurs. J'ai de nouveau signalé le fait à H&F (mon éditeur).
Pour le moment, je vous suggère de surfer sur un autre éditeur (ils sont plusieurs en concurrence) et de boycotter Exploreur qui parait le plus atteints par des Bugs malveillants.
A bientôt sur Patawet.hautetfort.com pour une deuxième année et de nouvelles aventures.
Apparemment cette note fonctionne correctement.
Censures ?
15:35 Écrit par Pataouete dans Blog, L'Algérie, Mes humeurs | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : algérie, pataouète
26 mars 2010
26 mars 62 : Fusillade de la rue d'Isly
Fusillade de la rue d'Isly
La fusillade de la rue d'Isly a eu lieu le 26 mars 1962 devant la grande poste du centre d'Alger (Algérie). Ce jour-là une manifestation de citoyens français, civils non armés, partisans de l'Algérie française, décidée à forcer les barrages des forces de l'ordre qui fouillaient le quartier de Bab El-Oued (suite au meurtre de six appelés), se heurta à un barrage tenu par l'armée française.
Le contexte
En 1962, le général Salan (chef de l'OAS) avait pour objectif de contrer la mise en œuvre des accords d'Évian signés le 18 mars, en provoquant le soulèvement commun des Français d'Algérie, des unités de l'armée favorables à l'Algérie française et des Harkis. Le 22 mars à Bab El-Oued, des éléments de l'OAS abattent froidement six jeunes appelés du contingent qui refusaient de donner leurs armes.
Le 23 mars, des commandos de l'OAS prennent le contrôle du quartier de Bab El-Oued, qui se trouve isolé du reste d'Alger par les forces de l'ordre et par l'armée qui fait intervenir l'aviation. Pour tenter de rompre l'encerclement des insurgés, l'OAS lança un appel à la grève générale et organisa une manifestation devant se rendre à Bab el Oued en passant devant la Grande Poste, à l'entrée de la rue d'Isly..
Les faits
Le service d'ordre était assuré par l'armée qui avait reçu de Paris la consigne de ne pas céder à l'émeute. Le barrage à l'entrée de la rue d'Isly était tenu par 45 tirailleurs du 4e RT créé en Algérie en 1958 et dissous en 1962. Les tirailleurs sont des soldats et, équipés comme tels, ne sont pas formés et adaptés aux missions de maintien de l'ordre. Leur précédente affectation était à Berrouaghia près de Médéa. Cette consigne est traduite par le commandement de la Xe région militaire aux soldats dirigeant le barrage de la rue d'Isly par : « Si les manifestants insistent, ouvrez le feu » mais nul n'a voulu confirmer cet ordre par écrit.
Malgré une interdiction, les manifestants se rassemblent. Puis ils "forcent" le premier barrage tenu par les tirailleurs en petit nombre. Peu après des coups de feu éclatent et les soldats ripostent. Certains imputent ces coups de feu à des tirailleurs mal contrôlés.
Selon les militaires, des coups de feu d'origine inconnue seraient à l'origine du déclenchement du tir des militaires, qui mitraillent alors la foule à bout portant. Il est à noter que cette foule comprenait des femmes et de jeunes adolescent(e)s. Yves Courrière montre les positions de tir supposées de membres de l'OAS. Il montre que si les circonstances restent peu claires, il est évident que les soldats n'ont pas tiré à bout portant dans la foule car vu le nombre de munitions tirées, il y aurait eu alors plusieurs centaines de morts.
Cette version des faits est en contradiction avec des témoignages directs. De nombreuses terrasses étaient en effet occupées par des gendarmes mobiles bien visibles et reconnaissables à leurs képis. On s'époumone « Halte au feu mais les rafales durent plus d'un quart d'heure.
Selon certaines sources, ces gendarmes mobiles auraient mitraillé la foule à partir des terrasses, notamment à l'angle des rues Charras et Charles Péguy. Selon d'autres sources, le servant du fusil-mitrailleur du 4e R.T.A. aurait longuement « arrosé » les manifestants.
Quoi qu'il en soit, le bilan officiel est de 46 morts et 150 blessés, mais beaucoup de blessés meurent à l'hôpital. Aucune liste définitive des victimes n'a jamais été établie. Toutes les victimes étaient des civils. Toutefois en 2003, dans sa contre-enquête Bastien-Thiry : Jusqu'au bout de l'Algérie française, le grand reporter Jean-Pax Méfret avance le nombre de 80 morts et 200 blessés au cours de ce qu'il nomme « le massacre du 26 mars ». L'association des victimes du 26 mars publie une liste de 62 morts, tous des civils ; aucun militaire n'est tué. Il faut attendre le 12 septembre 2008, pour que la télévision française (Fr3), consacre une émission à cet événement. "Le massacre de la rue d'Isly, de Christophe Weber".
Les Européens, revenus de leur stupeur, rendent les musulmans responsables de la tuerie. Pour eux, ce sont des provocateurs FLN qui l'ont organisée. La fusillade achevée, ils « font justice » à Belcourt et 10 musulmans sont assassinés sur le champ.
Les conséquences
La fusillade de la rue d'Isly marque la fin des espérances européennes dans l'OAS et par ricochet le début de l'exode massif des Européens d'Algérie. Elle constitue, avec l'échec de la prise de Bab el Oued, un échec majeur pour l'OAS. Selon des partisans de l'Algérie française ou certaines associations de Pieds-Noirs, ce drame aurait été minimisé, voire oublié par la France.
Pas plus que pour le massacre du 17 octobre 1961 ou pour l'affaire du métro Charonne, il n'y a eu à ce jour de commission d'enquête officielle créée pour éclaircir les faits et les responsabilités dans cette fusillade.
Deux historiennes se sont livrées à une enquête complète qu'elles relatent dans leur livre "Un crime sans assassin". Elles démontent les témoignages d'un coup de feu venant des immeubles et soulignent que la plupart des journalistes présents désignent les tirailleurs et en particulier le servant du FM comme à l'origine de la fusillade. Elles soulèvent le point majeur « pourquoi des troupes fatiguées et n'ayant jamais été confrontées au maintien de l'ordre en ville ont-elles été placées avec des ordres stricts à cet endroit ? »
Leurs soupçons sont confortés par la déclaration du préfet de police Cros dans son livre "Le temps de la violence": « la nouvelle que nous redoutions et espérions à la fois arriva, les tirailleurs avaient ouvert le feu ».
Cette position favorable à la défense des intérêts de l'État semble confirmée par l'essai de Jean Mauriac : "L'Après De Gaulle ; Notes Confidentielles, 1969-1989", dans lequel il rapporte page 41 les rancœurs de Christian Fouchet, haut-commissaire de l'Algérie française, le 28 Octobre 1969 : « J'en ai voulu au général de m'avoir limogé au lendemain de mai 1968. C'était une faute politique. Il m'a reproché de ne pas avoir maintenu l'ordre : "Vous n'avez pas osé faire tirer. J'aurais osé s'il l'avait fallu", lui ai-je répondu. "Souvenez-vous de l'Algérie, de la rue d'Isly. Là, j'ai osé et je ne le regrette pas, parce qu'il fallait montrer que l'armée n'était pas complice de la population algéroise." ». Il semble que les familles n'ont jamais eu le droit de récupérer les corps des victimes.
Mon témoignage
Mes parents habitaient en bas de la Rue Charras soit à quelques centaines de mètres de la Grande Poste mais aussi du Forum et du Palais du Gouvernement Général. Vous imaginez que nous avons vécu tous les événements d'Alger aux premières loges à partir du 13 mai 58 et jusqu'à cette fusillade.
C'est plus d'une fois que les gaz lacrymogènes ont envahis notre logement et même si nous n'approuvions pas les manifestants nous avons comme eux pleuré sur notre sort. Mon père était déjà réfugié à Paris et donc, j'étais l'homme de la maison (11 ans).
A cette époque, les coups de feu étaient très courants dans Alger mais avec cette intensité, cette longueur et ces cris d'effroi ou d'ordre de cesser le feu jamais !
Ensuite ce fut la débandade des rescapés en larmes et en effroi, enfin la descente de la rue Charras par des ambulances hurlantes mais surtout par des camions militaires (GMC) chargés de corps inertes entassés.
Une dernière précision, le livre "Alger la Noire" dont j'ai déjà parlé LA, évoque une autre thèse du départ de la première rafale totalement indépendante des parties en présence. Il s'agit d'un roman mais si les faits étaient avérés ce serait dramatique de penser qu'un événement privé a pu déclencher autant de massacre.
En tout cas, cette fusillade marque la fin des espoirs des Pieds-noirs et le début de l'exode vers la métropole pour les Algérois.
En complément à cette note, copie d'une lettre ouverte au Président de la République adressée par les Associations "Progréssistes" et d'Anciens combattants : Guerre Algérie - Mémoire - Lettre ouverte au Président de la République - 28-IV-2010.doc
07:15 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : algérie, alger, fusillade isly, 26 mars 62