08 mai 2010
A chacun son pan de Mémoire
Suite des extraits d'une série de notes extraites d'un dossier publié dans Marianne de Martine GOZLAN envoyée spéciale à Alger.
A chacun son pan de mémoire
De toutes les guerres qui l'ont traversée, l'Algérie n'est toujours pas guérie. L'affaire de la « Caravane Camus » n'est qu'un des multiples symptômes qui couvent dans ce pays exsangue. A chacun son pan de mémoire. Le régime, pressé de faire diversion sur la crise sociale, a réactivé celle de la guerre France-Algérie. Il a laissé 125 parlementaires déposer le 13 janvier dernier, à l'initiative du député FLN Moussa Abdi, un projet de loi visant à « criminaliser la colonisation ». Pourtant, la rue s'en fiche, pressée de revivre après les années d'horreur - car le terrorisme est vaincu - et de survivre entre la hogra, l'injustice, la course aux dinars (le salaire moyen est de 150 €) et le rêve désespéré de l'exil. C'est parmi les jeunes qui se pressent au centre culturel fran¬çais qu'on mesure l'incapacité des apparatchiks à parler au présent, loin de cette guerre de libération d'il y a un demi-siècle qui les légitime et les rassure.
Le centre est encastré entre les façades tendues de linge d'une rue populaire d'Alger. En plein cœur de la ville et de ses tourments. Garçons et filles guettent l'ouverture du "Printemps des poètes", flirtent discrètement entre les ordinateurs, à l'abri des barbus qui ont perdu la bataille des maquis niais gagné celle des mœurs. Ici, il y a des guitares, des sourires, des voiles qu'on largue. Et surtout le dispositif « Campus France» : il permet d'espérer - mais pas trop - un avis pédagogique favorable à l'obtention d'un visa étudiant. Plus de 10 000 candidats en trois mois! Les files sont plus importantes qu'au consulat, des bus spéciaux arrivent de Bejaia, en Kabylie. Quand on a 20 ans dans l'Algérie de la galère, la France, c'est la grande évasion. Quand on en a plus de 60 dans l'Algérie des privilèges, la France, c'est l'alibi de la revanche-fiction.
Le retour du tiers-mondisme
Pourtant, même là-dessus, le pouvoir n'est pas d'un bloc, au contraire. Il y a ceux qui bétonnent la fermeture du pays, préfèrent clamer leur amitié avec la Libye, le Venezuela et l'Iran plutôt qu'avec l'ex-puissance coloniale. En exigeant des excuses de Paris, on affiche son dédain du modèle occidental, l'ancrage dans le choix arabe et islamique de Boumediene. C'est l'éternel retour du tiers-mondisme des années 70, quand la révolution algérienne était le cœur du Sud insurgé. Et puis il y a ceux qui rêvent d'ouvrir, imaginent une déferlante touristique vers les oasis rouges, supplient qu'on assouplisse les formalités d'entrée, s'associent avec Point-Afrique qui vient de lancer un charter Paris-Timimoun. Les mêmes, refusant décidément l'aimantation islamiste, autorisent ces jours-ci le tournage en Algérie du "Premier Homme", le film adapté du roman autobiographique et inachevé d'Albert Camus.
Seulement, comme les premiers s'échinent à barrer la route aux seconds, le pays reste tragiquement isolé. « Un bunker poststalinien qui a besoin d'agiter la menace d'ennemis extérieurs pour asseoir sa légitimité », lâche un opposant. L'historien Benjamin Stora résume le paradoxe dans son essai sur « les guerres sans fin» (Stock) : « Une sorte de devoir de mémoire, comme un ressassement s'est installé, entretenu par l'Etat, mais aussi dans la société algérienne, exprimant une inquiétude face à l'oubli et à ses dangers supposés. Le récit héroïque d'une guerre d'indépendance dans laquelle tous les Algériens auraient été unanimement dressés contre l'occupant français a servi à légitimer le nouvel Etat, à fabriquer du consensus national. »
Or ce consensus, déjà tant mis à mal par les années de guerre civile entre 1991 et 2000, puis par l'insurrection kabyle en 2001, achève de se lézarder. S'il y a aujourd'hui une mémoire vraiment à vif, qui exige réparation, c'est celle des Algériens vis-à-vis du régime qui les gouverne depuis 1962. Exécutions, massacres, liquidations internes de 1954 à 1965 : tout refait surface depuis quelques mois. L'écrivain Anouar Benmalek consacre son dernier roman, le Rapt (Fayard), au massacre en 1957 par le FLN des villageois de Melouza qui avaient le tort de rester fidèles à Messali Hadj, le père longtemps contesté du nationalisme algérien. Saïd Sadi, président du RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), le parti laïc, va publier une enquête sur le colonel Amirouche, figure de la révolution, tué par l'armée française mais dont Boumediene a séquestré la dépouille pendant vingt-deux ans ! Tendu, fiévreux, Sadi en relit les épreuves dans le local du parti, couvert des portraits des révolutionnaires tués les uns par l'armée coloniale, les autres par l'armée de leurs frères ! Pour lui, les liquidations inter algériennes préfiguraient les atrocités de la guerre civile, trois décennies plus tard. Au mur, Abane Ramdane, organisateur des premiers réseaux FLN, étranglé en 1957 au Maroc par ses compagnons et rivaux. Aux côtés de Saïd Sadi, le propre fils du colonel Amirouche, Nordine Aït Hamouda, vice-président de l'Assemblée et député RCD, exige: «Le gouvernement algérien doit demander pardon au peuple pour tout ce qu'il lui a fait subir ! En revanche, qu'on cesse de réveiller les vieux démons avec Paris! : "Ceux qui aujourd'hui veulent reprendre la guerre idéologique avec la France sont ceux-là mêmes qui ne l'ont pas faite en 1954 !»
Le colonel Amirouche (à g.), l'un des chef du FLN, tué en 1959 par l'armée française. Houari Boumediene s'acharna à « tuer sa légende en séquestrant sa dépouille », affirme Saïd Sadi, président du RCD, parti laïc d'opposition, dans son nouveau pamphlet.
07:09 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : algérie, printemps des poètes, tiers-mondisme
06 mai 2010
Des Pogrom antifemmes à Hassi-Messaoud
07:43 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : algérie, hassi messaoud, pogrom
04 mai 2010
Aux Sources du Mystère Algérien
07:42 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : algérie, stora
30 avril 2010
Algérie après l'Indépendance 1962-65 Témoignage
Algérie après l'Indépendance 1962-65 Témoignage de Monique C.
René C. au Collège de Bouffarik (1938)
Je n'avais pas 10 ans lors de mon retour en Algérie nous sommes allés vivre à Alger ou mes parents travaillaient.
Impliqués comme ils l'avaient été, ils n'ont pas cessé leur engagement politique. Pour moi cela a été une période magnifique ils m'avaient implicitement transmis leur espoir et en tant qu'enfant j'avais déjà de grandes perspectives d'un avenir à construire.
Je rentrais en CM2 à l'école primaire algérienne enseignement programme français avec 2h d'arabe par jour (nous étions rue Duc des cars à l'angle d'une rue tout en escaliers ou se situait l'école. Là j'ai eu de nouvelles amies avec qui nous préparions l'examen d'entrée en 6ème pour le lycée algérien avec épreuve d'arabe obligatoire. En bas de cette rue se trouvait le Lycée français Delacroix moi je suis allées avec mes copines au lycée Pasteur (lycée sur 4 étages avec une cour de recréation en terrasse) Pour l'anecdote la fille de Maurice Audin était dans le même établissement un niveau au dessus du mien.
Papa était responsable national de la formation professionnelle pour adulte. Grace à ses déplacements ou nous l'accompagnions j'ai découvrir le pays. C'était vraiment extraordinaire. Mes parents travaillaient en collaboration avec "Alger Républicain" lors de nos déplacements maman y tenait une rubrique touristique sous le nom de Nadia Chami et le journal était pour moi une seconde maison du photographe au typographe. Je pense que c'est la qu'est venu mon intérêt pour la photo et les cartes postales" instant de vie"
Maman elle était Professeur de Philosophie à l'Ecole Normale d'Institutrices d'El Biar
Mais je pense que nous aurons l'occasion de discuter de tout cela et des anecdotes y afférentes
07:36 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : algérie, alger, 62-65
28 avril 2010
De Camus aux fantômes de la Révolution
Je débute aujourd'hui une série de notes extraites d'un dossier publié dans Marianne de Martine GOZLAN envoyée spéciale à Alger.
De Camus aux fantômes de la Révolution
Pourquoi la mémoire de l'Algérie demeure inguérissable ?
De l'autre côté de la Méditerranée, l'hommage enfin rendu au prix Nobel Albert Camus a ses détracteurs. La polémique en réveille d'autres. Et c'est toute leur histoire, avec la France mais aussi avec eux-mêmes, qui déchire de nouveau les Algériens.
"Alerte !" Comment ça Alerte ? Qui veut nous expédier aux abris? L'air est si doux ce printemps à Alger, la terrasse de l'hôtel Saint-Georges' embaume la fleur d'oranger et toutes les guerres semblent finies. «Alerte! La reconquête française a commencé! » répète Mohamed Bouhamidi en scrutant le crépuscule comme s'il y rampait des spahis ou des parachutistes. Les fantômes de la mémoire. Car le temps algérien est toujours à l'orage. C'est la "Caravane Albert Camus", un hommage au prix Nobel natif de Belcourt, qui met dans cet état Bouhamidi, journaliste et essayiste francophone de 64 ans. La « Caravane " devait sillonner le pays sous le ciel d'avril, mais la polémique enfle si fort qu'on ne sait plus si l'ombre de Camus sera autorisée ou non à respirer les absinthes de Tipasa et la poussière d'Alger.
D'un côté, Yasmina Khadra, directeur du centre culturel algérien de Paris qui soutient le projet, de l'autre des militants drapés dans la bannière de « l'anticolonialisme ". Bouhamidi et son camarade Mustapha Madi, directeur des éditions Kasbah, ont publié un texte enflammé, signé par des sympathisants francophones comme arabophones.
« Pas une pétition, une alerte! Scandent à nouveau les deux hommes. On ose parler de "Camus l'Algérien" mais Camus n'était pas algérien ! Il ne voulait pas l'être ! On ne peut pas disposer ainsi de notre identité algérienne: l'opération amorce la reconquête des imaginaires, conséquence logique de la loi française du 23 février 2005 sur l'œuvre positive de la colonisation. Voilà la nouvelle guerre qu'on nous mène aujourd'hui! »
Le thé noircit dans les verres et la normalisation franco-algérienne s'évanouit une fois de plus à l'horizon. Le soleil a sombré mais on devine encore la masse du mausolée des Martyrs qui domine les scintillements de la baie.
Elle est si vieille, cette polémique Camus. Elle dit tant de choses sur l'Algérie. Il y a vingt ans déjà, à l'aube de nouvelles années de sang, alors que le Front islamique du salut marchait à la victoire puis au chaos, un médecin, d'article en conférence, tentait, seul, de ranimer la mémoire du prix Nobel dans un pays qui l'avait décrété étranger. Le Dr Laâdi Flici, naguère ardent patriote pendant la guerre d'indépendance et embastillé par l'armée française à la prison Barberousse, se heurtait depuis des années au dogme du FLN. Cet homme doux, qui soignait les oubliés de la Kasbah, me racontait « Camus l'Algérien », en revenant du 93, rue de Lyon (aujourd'hui rue Belouizdad), l'adresse de l'écrivain quand il était enfant et si pauvre, « à mi-distance de la misère et du soleil ». On partageait la réverbération d'une existence algérienne antérieure sur cette même terrasse du Saint-Georges où les compatriotes du Dr Flici crient aujourd'hui au complot néocolonial. Il ne pourra pas leur répliquer. Un commando intégriste l'a égorgé le 17 mars 1993.
Martine Gozlan
Le pouvoir, pressé de faire diversion sur la crise sociale,
réactive les blessures de la colonisation.
La guerre est le socle de sa légitimité.
07:07 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : algérie, camus, caravane a. camus, printemps des poètes