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07 janvier 2011

La fragilité du Maghreb

Chronique de Bernard Guetta sur France Inter 7 Janvier

emeutes.jpgAprès la Tunisie, c’est l’Algérie qui descend, maintenant, dans la rue. En Tunisie, l’agitation déclenchée il y a trois semaines par le geste désespéré d’un marchand de légumes ambulant qui s’était aspergé d’essence après que la police lui eut confisqué son étal, a continué de s’étendre hier. Les manifestations se sont multipliées aux quatre coins du pays. Les avocats ont observé une grève d’une spectaculaire ampleur. D’autres tentatives de suicide, dont celle d’une mère de famille et de ses trois enfants, ont eu lieu. On signale des arrestations dans les milieux du rap et de l’internet.

La Tunisie paraît s’installer dans une contestation qui fait tache d’huile et, parallèlement, en Algérie, hier et avant-hier, des manifestations ont éclaté dans plusieurs villes du pays contre le chômage et l’augmentation des prix alimentaires.

Que ces mouvements s’apaisent ou s’approfondissent, une colère grandit dans ces deux pays du Maghreb et ses causes sont similaires. La première est économique car, à Alger comme à Tunis, l’écart entre riches et pauvres n’est plus supporté, d’autant moins admis que les Universités produisent des diplômés qui ne trouvent pas d’empois mais sont à même d’analyser l’état de leur pays.

Les jeunes Algériens, et leurs parents avec eux, savent que les réserves énergétiques de leur pays devraient en faire une nation prospère mais que l’argent du gaz et du pétrole disparaît sur les comptes étrangers d’une poigné d’officiers supérieurs qui gouvernent dans l’ombre et contrôlent tout. Toujours croissant, le sentiment général est que les services secrets et l’état-major confisquent la richesse nationale à leur profit et ne veulent pas que l’Algérie sorte de sa misère de peur que la constitution de classes moyenne ne fasse voler leur dictature en éclats. En Tunisie, ce n’est pas l’armée qui est en cause. C’est la famille du président Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans, qui est accusée de mettre le pays en coupe réglée en s’adjugeant les marchés les plus juteux. Tant que le tourisme et les délocalisations faisaient rentrer des devises et créaient des emplois cela passait plus ou moins mais maintenant que la crise internationale a frappé le plus petit des Etats du Maghreb, cette situation est devenue odieuse à la population qui rejette massivement ce pouvoir.

La deuxième cause de ces troubles est politique car les régimes algérien et tunisien ne font que se survivre. Vingt trois ans de répression et de pouvoir personnel à Tunis, c’est trop. Un demi-siècle de pouvoir militaire à Alger, c’est beaucoup trop. Aucun de ces deux pays ne le supporte plus et, en Tunisie comme en Algérie, le drame est que l’absence de libertés a empêché la préparation de relèves solides capables de canaliser les séismes qui grondent et font, en ce moment, trembler la rue.

A côté de cela, le Maroc fait figure de havre de stabilité avec sa monarchie et ses espaces de liberté mais la corruption, le chômage des jeunes diplômés et les écarts de richesse n’y sont pas moins grands. C’est tout le Maghreb qui est en situation de fragilité, toute l’Afrique du Nord qui pourrait, à chaque instant, basculer dans l’inconnu car, à l’heure d’internet et des télévisions satellitaires, la colère n’a plus de frontières.

20:21 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : agérie, bernard guetta

04 janvier 2011

Emeutes ?

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A mon retour d'Algérie, j'avais parlé de cette époque dramatique dénommée Les Années Noires.

Cette période de Guerre civile qui a totalement traumatisé les Algériens. On évoque 300.000 décès. Qui a duré 10 ans et qui n'est pas totalement terminée, même si cela s'est bien estompé ou replié sur le Soudan.

Il faut remarquer le silence médiatique à ce sujet. L'Europe ne risquait pas de s'indigner, elle ne savait pas ou plutôt on ne voulait pas qu'elle sache.

Pour les anciens algériens qui ont vécu la Guerre d'Algérie, depuis 50 ans il n'en reste plus beaucoup, cette période a très largement effacé ou pour le moins estompé cette première période de conflit.

Aujourd'hui, et encore sous la chape de Plomb, se sont les jeunes qui se révoltent et cette fois, il ne semble pas que les Islamistes les téléguident.

Que faire pour obtenir, un logement, l'eau potable, l'électricité, un emploi, … ?

L'émeute ! Répondent les jeunes algériens.

D'un bout à l'autre du pays et en l'absence de toute perspective politique, c'est leur riposte à la "mal-vie" qui pourrit le quotidien.

Les dernières statistiques montrent une augmentation des interventions pour des atteintes à l'ordre public. La gendarmerie est intervenue plus de 80.000 fois dans les 6 premiers mois de 2010 !

Quelque chose brule toujours quelque part. Y compris le drapeau algérien, carbonisé par les émeutiers désespérés.

Triste, je suis triste !

07:43 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (37) | Tags : algérie, émeutes

30 décembre 2010

Température extérieure 20°

Les épisodes neigeux de ces derniers temps et le retour au pays d'un jeune ami étudiant et artiste tunisien ont ravivé des souvenirs personnels. Du genre de ceux que mon copain alsacien adore.

Décembre 1962. Mon père est déjà reparti depuis quelques temps, encore une séparation, reprendre son poste en Gare de l'Agha à Alger. Nous devons, ma Mère et moi, le rejoindre pendant les vacances de Noël. Je suis radieux dans cette perspective mais, comme je l'ai déjà raconté, cet épisode ne passera pas les vacances d'été.

Première étape, Arles ou nous passerons Noël dans l'attente du vol prévu pour le 31 au Mas de L'Ilon dont j'ai aussi parlé. Le lendemain de notre arrivée, catastrophe ! Une profonde couche de poudreuse recouvre la vallée des Baux et nous voila isolés au fin fond d'un petit chemin vicinal. En ce temps là, figurez-vous les jeunes, le congélateur n'avait pas encore rejoint nos vertes campagnes et mon Parrain Auguste et Angèle vivaient surtout en autarcie avec quelques excursions au village surtout pour le Pain et le Lait. Qu'est-ce que nous allions manger ?

Heureusement, un furet, le furet fugueur avait pénétré le poulailler et saigné la plupart des volailles y séjournant. "Non de Diou ! de non de diou ! coquin de boudiou !" j'en passe et des meilleures. Mais, les premiers instants de stupeur passés, nous avions de la viande pour plusieurs jours. Nous n'avions plus qu'une chose à faire, batifoler dans la poudreuse ce qui était pour nous à l'époque une vrai découverte.

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Si je vous raconte cela c'est pour situer le début de notre histoire : il gèle en Provence !

Le 31, direction Marignane ou un gentil avion, encore à hélices, va nous ramener chez nous et près de mon père.

Nous atterrissons sans encombre à Maison Blanche en début de soirée, ma mère respire enfin, elle n'a jamais aimé l'avion. Les passagers enfilent leurs pelures lorsque le commandant de bord annonce : nous sommes à Alger Maison Blanche et la température extérieure est de 20°. Tout l'avion soupire d'extase et remballe ses pelures. Moi, je jubile, c'est le retour du Bonheur, j'ai retrouvé mon pays, mon père, mes parents. Hélas….

S'il te plait Medhi, dessines moi un Soleil !

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07:27 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : algérie, alger, arles

26 décembre 2010

Ô Biskra ! Une enfance Algérienne

O Biskra.jpg

Pierre-Philippe Barkats

 

Ô Biskra

Une enfance algérienne

 

- Et toi, me dit Jean-Marie Le Clézio alors que nous avançons tous deux, seuls face à la maison délabrée de sa grand-mère à Douarnenez, tu retournerais à Biskra?

- Non.

- Tu devrais écrire sur Biskra, Pierre, insista-t-il quelques instants plus tard à table.

- Pourquoi?

- Parce que «ce temps de guerre d'Algérie n'a pas fini de nous troubler», a-t-il répété dans une lettre qu'il m'a adressée peu après.

 

Je veux la maison où je suis né.

Je veux la ville où j'ai vu le jour. Je veux qu'on me rende mon pays: l'Algérie de mon enfance. Et avec elle, oui, « une certaine idée de la France », selon la belle expression de Charles de Gaulle.

Pour nos enfances, vies perdues au fond du Sahara, de nos Saharas. J'ai voulu consigner, témoignage de guerre et d'amour, ce récit qui vit en moi depuis cinquante ans. Il est dédié à une France et un monde meurtris par la violence de ce conflit, et à tous ceux dont « les Cœurs, comme me l'a écrit Jean-Marie Le Clézio, ne cessent d'être "rongés" par la guerre d'Algérie ».

C'est lui, Jean-Marie Le Clézio, désormais Prix Nobel de littérature, qui m'a dit, tenant mon manuscrit, alors que nous nous retrouvions à Stockholm pour la remise de son Prix: « C'est important, Biskra.»

Pierre-Philippe Barkats

 

Pierre-Philippe Barkats est un enfant de Biskra.

Aujourd'hui avocat près la Cour Suprême des États-Unis, il vit à Washington avec sa femme et ses trois enfants.

(NDRL : ma parole dii y'avait pas que des imbéciiles en Algérie ! )

Pierre-Philippe Barkats est l'auteur de "Ma très chère Françoise", livre écrit en hommage à son père et à Françoise Giroud, rescapés de la Deuxième Guerre mondiale, dont l'un a formé une famille au fin fond du Sahara dans la capitale des dattes, Biskra - et l'autre, Françoise Giroud, a redéfini, notamment avec l'hebdomadaire L'Express, l'information juste, et aussi, comme secrétaire d'État sous Giscard, une certaine idée de la femme, et de la culture.

L'auteur a également publié chez Casterman une bande dessinée particulièrement appréciée des critiques et media. Ô Biskra. Une enfance algérienne est son troisième ouvrage.

 

Biskra : fleur sans Brouillard.

10:15 Écrit par Pataouete dans L'Algérie, Livre | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : algérie, biskra, pierre-philippe barkat

22 décembre 2010

Le Testament du Frère Christian

Le Frère Christian de Chergé, prieur du monastère de Tibhirine, avait laissé à sa famille en 1994, deux ans avant le drame de Tibhirine, ce testament spirituel :

 

Moines 2.jpg« S’il m’arrivait un jour – et çà pourrait être aujourd’hui – d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays.

Qu’ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal. Qu’ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ? Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes laissées dans l’indifférence de l’anonymat.

« Ma vie n’a pas plus de prix qu’une autre. Elle n’en a pas moins non plus. En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfance. J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas, prévaloir dans le monde, et même de celui-là qui me frapperait aveuglément. J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que de pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint.

« Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C’est trop cher payé ce qu’on appellera, peut-être, la « grâce du martyre » que de la devoir à un Algérien, quel qu’il soit, surtout s’il dit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’islam.

« Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l’islam qu’encourage un certain islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes. L’Algérie et l’islam, pour moi, c’est autre chose, c’est un corps et une âme. Je l’ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j’en ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l’Évangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église, précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans.

« Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf, ou d’idéaliste : « Qu’il dise maintenant ce qu’il en pense ! » Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui Ses enfants de l’islam tels qu’il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruits de Sa Passion, investis par le Don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.

« Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers et malgré tout. Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous, ô amis d’ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis!

« Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’aura pas su ce que tu faisais. Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet « A-DIEU » envisagé de toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. Amen ! Inch’Allah. »

Après cela, croyants et non-croyants, nous n'avons plus qu'à fêter NOËL !