10 mai 2010
Le "Crime économique"
Suite et fin des extraits d'une série de notes extraites d'un dossier publié dans Marianne de Martine GOZLAN envoyée spéciale à Alger.
Le « crime économique » des intouchables
C'est dit. Et par toute l'Algérie cette fois: de faux combattants dirigeraient le pays depuis 1962. Cette mémoire-là n'enflamme pas seulement les cercles d'intellectuels comme la polémique Camus, mais le petit peuple dans ses profondeurs. Blida, à 40 km de la capitale. Un vieil homme nous attend sur le seuil de sa maison. Le chauffeur de taxi sursaute en le reconnaissant, surpris et respectueux : « Mais c'est M. Mellouk que vous venez voir! Quel courage il a, celui-là! ".
Benyoucef Mellouk, 68 ans, dénonce depuis dix-huit ans le scandale des «faux moudjahidin », anciens agents de l'administration coloniale inscrits sur les listes d'anciens combattants de l'Armée de libération pour toucher indemnités et pensions. Parmi eux, une pléiade de magistrats. Mellouk a été condamné le 22 mars dernier à quatre mois de prison ferme pour divulgation de documents secrets. Il s'est pourvu en cassation, il a l'habitude: « En tout j'ai subi quatre arrestations et deux incarcérations. » Ancien chef du service du contentieux au ministère de la Justice, ce haut fonctionnaire avait été chargé de l'enquête, «pour assainissement », en 1978, avant la mort de Boumediene. Devant les révélations qui mettaient en cause des personnalités du régime, tous> lectuels comme la polémique Camus, mais le petit peuple dans ses profondeurs. Blida, à 40 km de la capitale. Un vieil homme nous att,end sur le seuil de sa maison. Le chauffeur de taxi sursaute en le reconnaissant, surpris et res¬pectueux : « Mais c'est M. Mellouk que vous venez voir! Quel courage il a, celui-là!".
Devant les révélations qui mettaient en cause des personnalités du régime, tous les présidents successifs ont voulu étouffer l'affaire. Sauf Mohamed Boudiaf, durant la brève parenthèse qui fait espérer toute l'Algérie en 1992.« A son arrivée, il appelle le peuple à l'aider à sortir le pays de la corruption, explique Benyoucef Mellouk, je réponds donc présent, en publiant, dans l'Hebdolibéré, 300 dossiers de faux résistants avec leurs noms. Je divulguais un crime économique: ces intouchables avaient trahi l'authenticité de la révolution algérienne. Voilà pourquoi la génération actuelle ne fait confiance ni à ce système ni à sa justice. »
« Au cœur de la lâcheté et de la trahison! »
Mohamed Boudiaf est assassiné le 29 juin 1992. Mellouk est licencié. On lui supprime salaire et droits civiques. Sa fille et son fils sont chassés de l'école publique. La famille survit grâce au salaire de son épouse. Ils tiennent, pourtant. Réunis tous les quatre dans leur maison de Blida, une maison d'autrefois, austère et belle, avec des mosaïques qui courent sur les murs, ils classent et reclassent les centaines de pages du dossier:
, « On était seuls, tous les partis politiques se sont dérobés mais la presse m'a soutenu. » Car c'est l'affaire la plus médiatisée d'Algérie. Elle fascine en mettant le mensonge à nu. Son dernier épisode est une brûlure pour le régime. Le 22 mars, en effet, à l'énoncé du verdict contre Mellouk, des femmes, indignées, ont refait la révolution au tribunal. Et quelles femmes! Les héroïnes de la guerre d'Algérie, celles qu'on appelle les «moudjahidate ». D'abord Djamila Bouhired, pasionaria de la bataille d'Alger, torturée et condamnée à mort, défendue par l'avocat Jacques Vergès, son futur mari, qui écrira avec Georges Arnaud le célèbre Pour Djamila Bouhired, première dénonciation de la torture. Ensuite Fettouma Ouzegane, autre intrépide incarcérée en 1957 et traduite devant la Cour de sûreté de l'Etat. Elles voulaient marcher sur la présidence. On en a dissuadé ces vieilles dames indignes. Alors, elles lancent un appel international pour le condamné.
C'est que «l'affaire Mellouk réveille tout! On est au cœur de la lâcheté et de la trahison! » martèle Fettouma Ouzegane dans son appartement. tapissé de portraits de chahidin, de « martyrs" dont « on a confisqué l'héritage, la révolution ». Des photos de héros dépossédés. Comme dans le local du RCD. Comme dans la tête de tous les Algériens. A 83 ans, elle a gardé l'œil vif et 'l'agilité de la combattante. Elle aussi prépare un livre: 1'Indépendance confisquée. «Je vais tout dire! » jubile-t-elle, tandis qu'en bas, rue Didouche-Mourad, coule le flot de la foule amère qui, à chaque génération, en a trop vu sans rien comprendre. « En 1962, nous les moudjahidates, nous étions jeunes, belles et innocentes. Mais les collabos avaient pris le pouvoir. Les véritables combattants étaient une petite poignée. Boumediene leur a dit : "Vous vous soumettez ou vous vous démettez. C'était la nuit des longs couteaux et elle dure toujours. Les hommes de ce temps avaient étudié dans les pays arabes, ils ont fait le choix d'une Algérie qui ne nous ressemblait pas! »
Décidément, tout craque. Tout s'explique, à tâtons, au fil des souvenirs et des procès. L'opposition, elle-même, est hantée. Loin de se mobiliser sur le chômage et la tragédie de l'éducation, elle se réfugie, comme le régime, dans l'écriture du passé. «Qu'ils cessent d'être des intellectuels pour devenir des politiques capables de rassurer la population! » résume Teric Boucebci. Archives inguérissables de là mémoire algérienne.
Car, près des facultés, attablé chez un de ces marchands de glaces où les jeunes filles commencent à revenir, Farid tempête:« Moi ,j'ai 25 ans et je veux sortir des archives! Vivre et aimer sans que l'histoire nous étouffe! L'Etat a gagné la guerre contre le terrorisme et on a cessé d'avoir peur. Tout ce qu'on lui demande, c'est de nous traiter en citoyens! Votre Camus, qu'est-ce qu'il a dit là- dessus? »
Voilà, la vraie révolution commence. _
Martine Gozlan.
07:04 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : algérie, printemps des poètes, mellouk
09 mai 2010
La Sérénité Loca-Terre
Aujourd'hui, La Sérénité pousse un coup de gueule !
En passant au large des cotes américaines l'équipage est révolté contre cette nouvelle pollution, peut-être la pire de l'histoire mondiale.
Depuis l'arrivée sur les côtes de Louisiane, dans le sud du pays, d'une immense nappe de pétrole échappée d'une plateforme pétrolière sinistrée, l'administration américaine tente d'éviter le pire. Vendredi 30 avril, les Etats de l'Alabama et du Mississipi ont décrété l'état d'urgence pour faire face à ce qui s'annonce comme l'une des pires marées noires de l'histoire du pays. La Louisiane, dont la nappe de pétrole a commencé à souiller le rivage jeudi soir, puis la Floride, où elle est attendue lundi, ont déjà proclamé l'état d'urgence, qui leur permet de recevoir l'aide du gouvernement fédéral.
Avec 800 000 litres de pétrole s'échappant chaque jour du puits de pétrole qu'exploitait la plate-forme qui a sombré le 22 avril, la catastrophe pourrait dépasser en ampleur celle de l'Exxon Valdez, la pire de l'histoire américaine, en 1989 au large de l'Alaska. Les garde-côtes américains estiment même que la fuite pourrait s'aggraver considérablement, déversant des millions de litres de brut chaque jour, rapporte samedi le journal The Mobile Press-Register. Deux nouvelles fuites ont été découvertes dans la colonne montante endommagée de la plateforme, indique le journal, citant un rapport confidentiel de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).
Le "dôme" qui a été placé sur la fuite de pétrole pour juguler la marée noire dans le golfe du Mexique a dû être retiré samedi en raison de la formation de cristaux similaires à de la glace. Les difficultés sont survenues une fois le "couvercle" installé : un important volume l'hydrate de méthane — une sorte de glace inflammable — s'est formé à l'intérieur, contraignant les équipes à le retirer pour le mettre à côté de la fuite. Les hydrates sont hautement inflammables et présentent un danger pour les employés de BP travaillant sur les bateaux au dessus de la fuite. "Cela va prendre probablement les deux prochains jours pour chercher des solutions à ce problème", a indiqué lors d'une conférence de presse Doug Suttles, directeur d'exploitation du géant pétrolier britannique BP. Ces cristaux se forment sous l'effet combiné de gaz avec l'eau à certaines pressions et températures, a expliqué M. Suttles.
06:40 Écrit par Pataouete dans Mes humeurs, Voile | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : transat ag2r, marée noire
08 mai 2010
A chacun son pan de Mémoire
Suite des extraits d'une série de notes extraites d'un dossier publié dans Marianne de Martine GOZLAN envoyée spéciale à Alger.
A chacun son pan de mémoire
De toutes les guerres qui l'ont traversée, l'Algérie n'est toujours pas guérie. L'affaire de la « Caravane Camus » n'est qu'un des multiples symptômes qui couvent dans ce pays exsangue. A chacun son pan de mémoire. Le régime, pressé de faire diversion sur la crise sociale, a réactivé celle de la guerre France-Algérie. Il a laissé 125 parlementaires déposer le 13 janvier dernier, à l'initiative du député FLN Moussa Abdi, un projet de loi visant à « criminaliser la colonisation ». Pourtant, la rue s'en fiche, pressée de revivre après les années d'horreur - car le terrorisme est vaincu - et de survivre entre la hogra, l'injustice, la course aux dinars (le salaire moyen est de 150 €) et le rêve désespéré de l'exil. C'est parmi les jeunes qui se pressent au centre culturel fran¬çais qu'on mesure l'incapacité des apparatchiks à parler au présent, loin de cette guerre de libération d'il y a un demi-siècle qui les légitime et les rassure.
Le centre est encastré entre les façades tendues de linge d'une rue populaire d'Alger. En plein cœur de la ville et de ses tourments. Garçons et filles guettent l'ouverture du "Printemps des poètes", flirtent discrètement entre les ordinateurs, à l'abri des barbus qui ont perdu la bataille des maquis niais gagné celle des mœurs. Ici, il y a des guitares, des sourires, des voiles qu'on largue. Et surtout le dispositif « Campus France» : il permet d'espérer - mais pas trop - un avis pédagogique favorable à l'obtention d'un visa étudiant. Plus de 10 000 candidats en trois mois! Les files sont plus importantes qu'au consulat, des bus spéciaux arrivent de Bejaia, en Kabylie. Quand on a 20 ans dans l'Algérie de la galère, la France, c'est la grande évasion. Quand on en a plus de 60 dans l'Algérie des privilèges, la France, c'est l'alibi de la revanche-fiction.
Le retour du tiers-mondisme
Pourtant, même là-dessus, le pouvoir n'est pas d'un bloc, au contraire. Il y a ceux qui bétonnent la fermeture du pays, préfèrent clamer leur amitié avec la Libye, le Venezuela et l'Iran plutôt qu'avec l'ex-puissance coloniale. En exigeant des excuses de Paris, on affiche son dédain du modèle occidental, l'ancrage dans le choix arabe et islamique de Boumediene. C'est l'éternel retour du tiers-mondisme des années 70, quand la révolution algérienne était le cœur du Sud insurgé. Et puis il y a ceux qui rêvent d'ouvrir, imaginent une déferlante touristique vers les oasis rouges, supplient qu'on assouplisse les formalités d'entrée, s'associent avec Point-Afrique qui vient de lancer un charter Paris-Timimoun. Les mêmes, refusant décidément l'aimantation islamiste, autorisent ces jours-ci le tournage en Algérie du "Premier Homme", le film adapté du roman autobiographique et inachevé d'Albert Camus.
Seulement, comme les premiers s'échinent à barrer la route aux seconds, le pays reste tragiquement isolé. « Un bunker poststalinien qui a besoin d'agiter la menace d'ennemis extérieurs pour asseoir sa légitimité », lâche un opposant. L'historien Benjamin Stora résume le paradoxe dans son essai sur « les guerres sans fin» (Stock) : « Une sorte de devoir de mémoire, comme un ressassement s'est installé, entretenu par l'Etat, mais aussi dans la société algérienne, exprimant une inquiétude face à l'oubli et à ses dangers supposés. Le récit héroïque d'une guerre d'indépendance dans laquelle tous les Algériens auraient été unanimement dressés contre l'occupant français a servi à légitimer le nouvel Etat, à fabriquer du consensus national. »
Or ce consensus, déjà tant mis à mal par les années de guerre civile entre 1991 et 2000, puis par l'insurrection kabyle en 2001, achève de se lézarder. S'il y a aujourd'hui une mémoire vraiment à vif, qui exige réparation, c'est celle des Algériens vis-à-vis du régime qui les gouverne depuis 1962. Exécutions, massacres, liquidations internes de 1954 à 1965 : tout refait surface depuis quelques mois. L'écrivain Anouar Benmalek consacre son dernier roman, le Rapt (Fayard), au massacre en 1957 par le FLN des villageois de Melouza qui avaient le tort de rester fidèles à Messali Hadj, le père longtemps contesté du nationalisme algérien. Saïd Sadi, président du RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), le parti laïc, va publier une enquête sur le colonel Amirouche, figure de la révolution, tué par l'armée française mais dont Boumediene a séquestré la dépouille pendant vingt-deux ans ! Tendu, fiévreux, Sadi en relit les épreuves dans le local du parti, couvert des portraits des révolutionnaires tués les uns par l'armée coloniale, les autres par l'armée de leurs frères ! Pour lui, les liquidations inter algériennes préfiguraient les atrocités de la guerre civile, trois décennies plus tard. Au mur, Abane Ramdane, organisateur des premiers réseaux FLN, étranglé en 1957 au Maroc par ses compagnons et rivaux. Aux côtés de Saïd Sadi, le propre fils du colonel Amirouche, Nordine Aït Hamouda, vice-président de l'Assemblée et député RCD, exige: «Le gouvernement algérien doit demander pardon au peuple pour tout ce qu'il lui a fait subir ! En revanche, qu'on cesse de réveiller les vieux démons avec Paris! : "Ceux qui aujourd'hui veulent reprendre la guerre idéologique avec la France sont ceux-là mêmes qui ne l'ont pas faite en 1954 !»
Le colonel Amirouche (à g.), l'un des chef du FLN, tué en 1959 par l'armée française. Houari Boumediene s'acharna à « tuer sa légende en séquestrant sa dépouille », affirme Saïd Sadi, président du RCD, parti laïc d'opposition, dans son nouveau pamphlet.
07:09 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : algérie, printemps des poètes, tiers-mondisme
07 mai 2010
La Sérénité rendra visite à Eugénie Blanchard
Dès son passage de la Ligne à St Barth et après avoir arrosé son parcours, la Sérénité et son équipage ira rendre visite à Eugénie Blanchard !
Du ti-punch, du zouk ou des doux alizés, on ne sait pas très bien ce qui fait la santé de fer d'Eugénie Blanchard, mais le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle coule de très longs jours heureux sur son île natale de Saint-Barth. À 114 ans, cette Française est officiellement devenue la doyenne de l'humanité, après le décès d'une autre insulaire, la Japonaise Kama Chinen, morte dimanche dernier à 115 ans.
Bercée par la douceur des vagues, les yeux perdus dans un ciel sans nuage, protégée de toutes les modernités par une armée de cocotiers, Eugénie est pensionnaire du plus bel hôpital de France, le seul de l'île. Il n'en fallait pas moins après avoir traversé trois siècles. Née le 16 février 1896, Eugénie, surnommée Douchy («douceur» en papiamento, créole des Antilles néerlandaises), est une star en outre-mer.
Le secret de sa longévité sur terre ? Sa vie tournée vers le Ciel - elle était religieuse dans un couvent de Curaçao - et «son fichu caractère», s'amuse son neveu Daniel, 63 ans. Un brin autoritaire, elle excelle dans deux domaines : prier et «donner des ordres», le bon Dieu n'ayant pas jugé essentiel qu'elle sache lire ou écrire. Tâches inutiles, sans doute, dans l'Éternité mais qui lui auraient permis d'occuper son si long temps. Désormais dans l'impossibilité de communiquer, elle reste pourtant en parfaite santé. «Pas un seul médicament, s'étonne sa famille. Seulement un somnifère de temps en temps pour éviter le tapage avec ses voisins ! »
11:02 Écrit par Pataouete dans Voile | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : transat ag2r, eugénie blanchard, st bah
La Sérénité dernier virement de bord
Voila c'est fait. Ce matin, le vent tourne et nous mettons le cap sur St Barth. Le sprint final est engagé et nous allons enfin compter les bouses. Comme dans le vrai, les choix tactiques vont donner leur vainqueur. La route directe passait par une succéssion de grand trou d'air. Je n'ai pas su éviter le premier et nous avons passé 1 jounée à 0,5 noeuds. Chute au classement. Un choix suivant, route Nord ou Sud. J'ai choisi le nord et maintenant ...
Il reste 1 500 Milles à parcourir à environ 7 Nds soit une dizaine de jours de mer... ne relevez pas la garde rien n'est joué !
Ce qui est formidable dans le virtuel c'est que rien de la vraie vie ne nous porte atteinte. Notre cambusière en chef doit s'occuper de son JN mais elle est aussi parmi nous...
En attendant le "bar du port" je vous propose un reportage in situ. Encore des chapeaux !
07:20 Écrit par Pataouete dans Voile | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : transat ag2r, sérénité