08 avril 2009
Le second Empire, le royaume arabe ou Utopie socialiste
J’ai eu beaucoup de mal à trouver la matière nécessaire à la rédaction de cette note, et mon tempérament foncièrement républicain en a pris un coup, mais ayant eu connaissance des actions réalisés sous le Deuxième Empire, j’ai pu retrouver que pendant la période de règne de Napoléon III :
ü Il était question de « Royaume Arabe » associé à la France
ü Les indigènes ont un droit égal et peuvent acquérir la nationalité française
ü La bande côtière limitrophe de la Mitidja est traitée comme les Landes de Gascogne, plantation de pinèdes, assèchement des marécages, …
ü On dénombre déjà 250.000 colons soit le quart de ce qu’il n’y aura jamais.
ü De nombreux officiers et fonctionnaires saint-simoniens, proudhoniens et fouriéristes, cherchent à installer leurs utopies sur ce territoire en friche. Ils se convertissent à l’islam, épouse des femmes arabes, s’installent et s’organisent autour d’amorce de coopératives ouvrières et rurales.
Mais après Sedan, la nouvelle troisième République naissante n’a de cesse que de détruire ce que l’Empire a mis en place. Les colons respirent, le socialisme critico-utopique est passé.
Le « Royaume Arabe ».
Napoléon III essaye de transformer la conquête en un «royaume arabe» associé à la France et dont il serait lui-même le souverain : les colons et les intérêts économiques de l'Algérie seront des opposants farouches de l'Empereur allant jusqu'à réclamer une consultation électorale.
Dans une lettre du 6 février 1863, l'Empereur au maréchal duc de Malakoff, par laquelle il était prescrit de rendre les tribus ou fractions de tribus propriétaires incommutables des territoires qu'elles occupent à demeure fixe, et dont elles ont la jouissance traditionnelle, à quelque titre que ce soit. L’Algérie étant déclarés par le souverain, non une colonie proprement dite, mais un royaume arabe »...[ « Les indigènes ont un droit égal à ma protection et je suis aussi l’empereur des Arabes que l’empereur des Français ».
Napoléon III décide de visiter l'Algérie. Cette visite dure six semaines, il est reçu partout avec enthousiasme : Dans l'Algérie entière, les colons répétant cent fois par jour : « L'Empereur est venu, il a vu, nous sommes sauvés. » Les morts eux-mêmes, ceux qui ont succombé dans la lutte de l'homme civilisé contre une nature sauvage, contre les miasmes pestilentiels de marais ; les morts s'unissent aux vivants pour redire : « Sois le bienvenu, César, les morts te saluent. » C'est à la stupéfaction des colons qu'un sénatus-consulte, la propriété du sol qu'elles occupent a été dévolue aux tribus indigènes, et des commissions d'exécution
En 1865, 225 000 colons, français ou européens possèdent environ 700 000 hectares. Mais la colonisation […] se déclare satisfaite si […], on demande aux indigènes, soit par acquisition, soit par expropriation, un complément de 400 000 hectares. Le 14 juillet 1865, un sénatus-consulte (une loi) permet aux musulmans d'acquérir la citoyenneté française en échappant à titre individuel au statut coranique au profit du droit civil français; mais cela reste théorique dans la mesure où la citoyenneté française était plus difficilement accordée à un autochtone algérien pourtant titulaire de la nationalité française qu'à un étranger.
Le 27 décembre 1866, un décret crée des conseils municipaux élus par quatre collèges séparés français, musulman, juif et étrangers européens ; les Français disposent des deux tiers des sièges ; dans les « communes de plein exercice », les maires ont des adjoints indigènes.
Idées Saint-simoniennes et Proudhoniennes
Ismayl Urbain, né Thomas Urbain le 31 décembre 1812 à Cayenne et mort le 28 janvier 1884 à Alger, est un journaliste et interprète français.
Largement responsable de la politique arabophile de Napoléon III, dont il était le conseiller personnel, Urbain correspondait avec de nombreuses personnalités politiques, militaires et culturelles majeures de l’Algérie de son temps. Dans un article de la Revue de Paris de 1857, Urbain dénonça l’expression de « Kabylie » comme une invention due à l’esprit français de systématisation, que n’utilisaient ni les Arabes ni les Berbères d’Algérie. En 1861, il publie sous le nom d’emprunt de Georges Voisin l’Algérie pour les Algériens, où il défend les idées de royaume arabe que Napoléon III, influencé par les idées saint-simoniennes, voulait mettre en œuvre à l’instigation d’Urbain, mais auxquelles s’opposèrent farouchement les colons et les intérêts économiques algériens. Le renouvellement des attaques d’Urbain, dans l’Algérie française : indigènes et immigrants, en 1870, suscita une très vive agitation dans la colonie. Les écrits d’Urbain soulevèrent des réactions si passionnées que la polémique qui en résulta eut pour conséquence d’éclipser presque complètement les idées qui y étaient développées.
A la mort d’Urbain, Émile Masqueray reprit le combat pour la défense des droits des Algériens contre le comportement répressif des colons.
14:36 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, saint-simoniens, napoléon3
07 avril 2009
Lalla Fatma N'Soumer
Ce blog étant destiné à mes petits enfants, qui pour le moment sont des petites filles, ma famille étant surtout féminine, nièce et petites nièces, enfin mes visiteurs, au moins ceux qui me font l’honneur de laisser des commentaires, étant des visiteuses, il me paraît nécessaire de laisser une note sur ce personnage de Lalla Fatma N'Soumer.
Lalla Fatma N'Soumer, en kabyle Lla Faḍma n Sumer est une personnalité kabyle de la résistance algérienne contre la conquête de l'Algérie par la France, dans les années 1850.
« Lalla » est un titre honorifique ou une marque de respect féminin. « N'Soumer » signifie « de Soumer » en kabyle, du village dans lequel son père tenait une médersa, une école religieuse.
Fatma N'Soumer naquit vers 1830 à Ouerja, fille du cheikh Ali ben Aissi et de Lalla Khlidja, sur la route de Aïn El-Hammam vers le col de Tirourda, en Kabylie.
Appelée « la Jeanne d'Arc du Djurdjura » par l'historien Louis Massignon, la jeune femme a assisté aux combats et joué un grand rôle dans le moral des troupes, mais sans participer militairement aux affrontements. La jeune fille elle-même a accédé à une instruction. Mariée de force à un cousin, Fatma est en quelque sorte en rupture avec le modèle traditionnel de l'époque et prend les armes contre les troupes françaises.
En 1857, le maréchal Randon parvient à prendre Ath Irathen de la main des Icherriden au cours d'une bataille qui mobilisa la région du Djurdjura.
Elle fut capturée par l'armée française le 27 juillet 1857, dans le village de Takhlijt Ath Atsou, près de Tirourda, où elle avait organisé un noyau de résistants.
Elle décéda en 1863 à Béni Slimane.
Dans les années 1980, ses cendres ont été transférées de Kabylie vers le Carré des martyrs à Alger.
12:02 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : algérie, kabylie, fatma n'soumer
La CONQUETE FRANCAISE
La conquête de l’Algérie fut longue et particulièrement violente puisqu’elle s’est traduite par la disparition de près du tiers de la population algérienne. L’armée française l’a conquise village après village, mais il faut préciser que ce qui caractérise la colonisation de l’Algérie et tient lieu de particularité est qu’il s’agit d’une colonie de peuplement.
Dégradations des rapports franco-algériens
Tout d'abord, ce qu'il faut savoir c'est que les relations franco-algérienne étaient bonnes, puisque l'on peut lire en juin 1793 "tandis que l'Europe se coalise contre la France libre, une puissance africaine (Alger) plus loyale et fidèle; reconnait la république et lui jure amitié." Comment appréhender la dégradation des rapports franco-algériens ?
En 1794, la France révolutionnaire est attaquée par les puissances européennes coalisées, et éprouve des difficultés à nourrir sa population et ses soldats. Le dey d’Alger Hussein offre alors à la Convention toutes facilités pour faire ses achats de blé, consentant aussi par la suite sous le directoire un prêt d’argent sans intérêts. La guerre terminée, les régimes qui se succèdent n’honorent pas la dette, et quand la France redevient royaliste la dette est revue à la baisse et payée, mais à Paris, à la Caisse des Dépôts et Consignations. Cependant, un nombre important de créanciers vrais ou supposés, des commerçants livournais qui avaient servi d’intermédiaires se manifestent alors. Ainsi, sous couvert de satisfaire leurs réclamations, on avait « rendu légale sa spoliation ». Le dey est donc en froid avec le consul de France car il comprend qu’il ne récupérera pas son argent, et que les livraisons de blé ne lui seront jamais payées.
Le prétexte de l’Eventail !
En 1827, le dey d’Alger découvre que la France avait fortifié à l’extrémité est de la Régence à La Calle un entrepôt dont elle avait la concession pour faire du commerce, et qu’elle s'était engagée à ne pas fortifier. []N’obtenant pas d’explications de la part du gouvernement français, le 30 avril 1827 le dey en demanda verbalement au consul de France. Le consul ignorant ouvertement sa demande, celui-ci s’emporta alors, injuria, et finalement donna au « représentant de la France » un coup de son éventail. Si l’on s’en réfère à Robert Louzon, militant anticolonialiste engagé, c’est donc bien l’affaire des fortifications de La Calle et non simplement la dette restée impayée qui était à l’origine de la colère du dey d’Alger. Le gouvernement de la Restauration et Charles X, soucieux de redorer l’image de la France à l’étranger et de renforcer l’autorité royale en France, trouvèrent alors dans cet incident – un outrage à la France par le biais de son « représentant », le consul – un prétexte pour intervenir militairement.
Entre le 11 et le 18 mai 1830, quelque 37 000 hommes répartis dans 675 bâtiments affrétés par l’entreprise Seillière, c’est-à-dire toute la marine française de l’époque, embarquèrent pour conquérir la bande côtière de l’ancienne régence, par la suite unifiée sous le nom d’Algérie. Le débarquement eut lieu le 14 juin 1830 à Sidi-Ferruch et, le 5 juillet, les troupes françaises du général Louis Auguste Victor de Ghaisne de Bourmont firent leur entrée dans la forteresse d’Alger, le dey capitula le jour même.
Résistances berbères
Mais la France se heurte à l’ouest à l’émir Abd el-Kader et à l’est aux tribus berbères dont celles de Kabylie menées par Lalla Fatma N’Soumer. La France entame des négociations avec l’émir Abd el-Kader en 1834 et en 1837, date à laquelle est signé le traité de Tafna. Mais en 1839, Abd el-Kader déclare la guerre à la France, considérant l’expédition aux "Portes de fer" (dans la chaîne des Bibans en Kabylie) par l’armée française comme une violation de traité. En mai 1843, la smala et le fameux trésor d’Abd el-Kader sont aux mains des Français.
Abd-El-Kader à Damas, portant le grand cordon de la Légion d'honneur, 1860.
En 1847, Abd el-Kader déposa les armes et se rendit. L’armée française d’Afrique contrôle alors tout le nord-ouest de l’Algérie. À l’issue de la bataille de Zaatcha, dans les Aurès, en 1848, le Constantinois est conquis. Entre 1849 et 1852, la domination s’étend à la Petite Kabylie. En juillet 1857, les tribus de Grande Kabylie se rendent, et la capture de Lalla Fatma N’Soumer met un terme à la résistance; mais les Kabyles se soulèveront encore jusqu’au début des années 1870. La conquête du nord de l’Algérie est alors achevée. Dans le sud, la prise de Laghouat et de Touggourt, la capitulation des Beni-M’zab du Mzab (1852) et celle du Souf reculent les limites de l’Algérie jusqu’au grand désert.
Lalla Fatma N’Soumer, figure de la résistance à l’armée coloniale française
Ce n’est qu’après un ultime soulèvement, en 1871, des tribus de Kabylie, lors de la Révolte des Mokrani, que la mission de « pacification » s’achève. Elle a fait près d’un million de morts, civils pour la plupart, la perte démographique se concentrant en particulier sur les six dernières années de la conquête comme le fait remarquer le démographe R. Ricoux.
Basilique Notre-Dame d'Afriques sa construction s'achève en 1872
02:37 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, abbelkader, kabyles, berbères
06 avril 2009
L'invasion ottomane
Le démantèlement des grandes dynasties islamiques entraîne la formation d'une multitude de petites principautés, de fédérations de tribus ou de ports autonomes, repaires de corsaires. L'activité prédatrice de ceux-ci en Méditerranée provoque dans un premier temps la réaction des pays de la péninsule Ibérique : les Portugais partent en expédition en Afrique du Nord occidentale, suivis des Espagnols qui occupent des ports méditerranéens (Mers el Kebir, Oran, Bejaïa…).
Les Cités Pirates
C'est l'époque de véritables « cités-États pirates » sur le littoral (Côte des Barbaresques) et la piraterie qu'elle engendre inquiète et dérange de plus en plus les puissances européennes. Finalement, en 1516, l'Espagne décide d'assiéger le port réputé d'Alger. Les Algérois font alors appel aux corsaires turcs. Les frères Barberousse, forts de plusieurs succès dans l'ouest algérien, parviennent en 1518, après plusieurs échecs, à chasser les Espagnols d'Alger (en partie avec l'appui des tribus kabyles) et à étendre progressivement leur état sur le reste du pays (Cherchell, Ténès, Tlemcen). Mais les Espagnols lancèrent depuis leur possession d’Oran une offensive victorieuse contre les troupes Barberousse à Tlemcen dans laquelle Aroudj perdit la vie.
C’est dans ce contexte que Khayr ad-Din Barberousse, qui se trouvait à Alger lorsqu’il apprit la mort de son frère, sollicita le soutien du Sultan Soliman le Magnifique et plaça son nouvel état sous la protection de l'empire Ottoman, recevant de la Sublime Porte le titre de beylerbey (gouverneur de province) ainsi qu'un contingent de 2000 janissaires.
La régence d’Alger
Cet état nouvellement fondé prendra le nom de: Régence d'Alger. La régence fut successivement gouvernée - pour le compte de l'Empire ottoman - par des beylerbeys de 1518 à 1587, des pachas de 1587 à 1659, des aghas de 1659 à 1671 et des deys de 1671 à 1830. En 1609, les musulmans d'Andalousie sont envoyés vers les côtes algériennes.
Au fil des siècles la Régence d’Alger, comme sa voisine Tunisienne, fini par prendre une large indépendance vis-à-vis du Sultan Ottoman. Si bien qu’en 1711, sur insistance du Dey Ali-Chaouch, le Sultan Ottoman renonce définitivement à y envoyer les Pachas que la Sublime Porte imposait jusqu’à cette date pour représenter son autorité à Alger.
La région de l’Algérois, appelée Dar el Sultan, était placée sous autorité directe du chef de la Régence. Le reste du pays était divisé en 3 provinces nommées « beylics » administrées chacune de manière autonome par un bey nommé par le Dey d'Alger. On distinguait:
- Le Beylic de l’Ouest (capitales successives basées à Mazouna, Mascara puis déplacée à Oran après le départ des Espagnols).
- Le Beylic du Titeri au centre (capitale basée à Medéa).
- Le Beylic de l‘Est (capitale basée à Constantine), le plus puissant des trois.
Chaque Beylic était divisé en « outan » (cantons) avec à sa tête un caïd, relevant directement du bey.
Mosquée Ketchaoua (Alger), construite au début du XVIIe siècle
Pour administrer l’intérieur du pays, les Turcs s’appuyaient sur les tribus Makhzen, tribus indigènes au service de l’état et dotées de larges prérogatives militaires. Ces tribus étaient chargées d’assurer l’ordre au nom de l’autorité beylicale et de lever l’impôt sur les régions tributaires du pays.
C’est par ce système que durant 3 siècles l’État ottoman d’Alger étendit son autorité sur le nord de l’Algérie actuelle. Mais dans les faits, plusieurs régions du pays bravaient de manière régulière l’autorité des Beys. Ainsi à l'est du pays, dans les Aurès, plusieurs tribus s'unissent et déclenchent des luttes contre les ottomans. Cependant plusieurs luttes internes entre fractions Chaouis s'enflamment dans les zones montagneuses des Aurès. Les Ouled Daoud ainsi que plusieurs tribus empêcheront les ottomans de pénétrer dans leurs territoires. Saleh Bey tenta sans y parvenir de les soumettre en dirigeant contre eux une expédition. En somme, la grande union des Chabias se divise, cela provoque l'indépendance de plusieurs tribus à l'égard des Ottomans entre XVIIe siècle et XVIIIe siècle.
En Kabylie, le contrôle territorial direct des gouverneurs d’Alger était limité aux grands centres urbains de la région (Tizi Ouzou, Bouira, Boghni etc) dans lesquels ils y édifièrent des bordjs (forts) et y stationnaient en permanence un nombre limitée de troupes. L’administration de l'arrière-pays se faisait donc indirectement par le biais d’alliés, personnages ou tribu.
Royaumes Kabyles
Cependant deux royaumes tribaux s'opposeront régulièrement aux Turcs: Ceux de Koukou et des Ait Abbas. Dans la Haute Kabylie, le royaume de Koukou est fondé au XVIe siècle par Sidi Ahmed ou el Kadhi. Sidi Ahmed ou el Kadhi d'abord allié au Turcs notamment lors de la résistance face aux Espagnols deviendra ensuite un rival pour le contrôle du nord de l'Algérie. En 1520, Khayr ad-Din Barberousse décide de mener une expédition contre Sidi Ahmed ou el Kadhi. La bataille aura lieu dans la plaine des Issers. La victoire des Kabyles sera sans équivoque et c’est avec beaucoup de chance que Khayr ad-Din Barberousse aura la vie sauve en ayant pris la fuite au bon moment. Victorieux, Sidi Ahmed ou el Kadhi s’empare d’Alger et régnera sans difficulté jusqu’en 1527, date à laquelle Khayr ad-Din Barberousse le défait et rétablit son autorité à Alger avec l'aide Abd-el-Aziz, chef kabyle des Aït Abbas et rival de Sidi Ahmed ou el Kadhi. Le royaume de Koukou perdurera plus de deux siècles, jusqu'à son extinction vers 1750.
En Basse Kabylie, les Aït Abbas eux aussi se soulevèrent fréquemment contre l'autorité ottomane. En 1823, ils entrèrent en révolte contre l'autorité de la Régence et coupèrent les voix de communications entre Alger et Constantine. Ce n'est qu'après plusieurs mois de combats que l'agha Yahia put négocier la soumission des tribus révoltées. Le royaume de Aït Abbas survivra à l'époque ottomane et ne tombera qu'en 1871 lors de la conquête française.
Dans ces régions, les beys connurent d'énormes difficultés à gouverner et à faire rentrer les impôts, certains d'entre eux qui osèrent pénétrer dans ces massifs montagneux ou à travers le désert y laissèrent leur vie.
09:27 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : algérie, ottoman, bey, dey, kabyles, barberousse
05 avril 2009
EL BI'R Le Puits
Intéressé par la présence de Gilbert Meynier, historien spécialiste de l'histoire de l'Algérie, à la conférence qui a suivi la projection, j'ai assisté, pour la troisième fois, à la projection du film : EL BI'R Le puits.
Outre ce film, j'ai établi des contacts avec un certain nombre de personnes, comme moi passionnés par l'histoire de L'Algérie qui m'ont promis de visiter ce Blog. Ils seront les bienvenus et j'espère bien qu'ils apporteront leurs contributions à cet édifice.
Le film de Béatrice Dubell est une première en ce qu’il est une synthèse documentaire visuelle sur des faits méconnus : les engagements de fraternité humaine entre Algérien(ne)s et Français(es), à contre-courant de la sale guerre à contretemps de reconquête coloniale de 1954-1962. Certes, ont bien été publiés des livres sur la Fédération de France du FLN, ou sur les « porteurs de valises » – le plus récent est dû à un historien britannique, Martin Evans, qui vient d’être publié en français[1] –, ainsi que des mémoires de ces militants engagés dans le combat algéro-français solidaire. Mais ces livres demeurent peu connus, et ils restent passablement confinés à quelques cercles de militants et de spécialistes. Et tous, ou presque, traitent des réseaux centrés sur Paris – réseau Jeanson, puis réseau Curiel. A la différence du sujet traité dans el bi’r (al bi’r[2]), ces réseaux n’avaient pas de lien particulier avec le catholicisme.
Béatrice Dubell, elle, a donné, en les filmant simplement, avec rigueur et sans affectation, la parole à des témoins/acteurs – algériens et français – inconnus, aux antipodes du vedettariat. L’émotion ne se relâche pas tout au long du film, des souvenirs bouleversants du regretté Amor Ghezali, qui fut l’un des dirigeants qui se succédèrent à la tête de la wilâya 1 [3], à l’évocation enthousiaste d’une dame algéro-lyonnaise de sa première machine à laver.
Cela dans le cadre de Lyon, cité qui n’est souvent guère mentionnée que pour l’affaire dite des « prêtres du Prado ». La ville, qui avait été la capitale de la Résistance antinazie, était aussi un foyer essentiel du catholicisme social. Elle abritait une trentaine de milliers de Maghrébins, très majoritairement algériens – harcelés par la police, arrêtés et emprisonnée par centaines, politiquement et socialement précarisés.
Toute agnostique qu’elle soit, Béatrice Dubell a choisi de faire connaître l’organisation des solidarités algéro-françaises émanées du milieu catholique lyonnais. Assez homogène, ce milieu fut chronologiquement le premier à militer en faveur des Algériens exploités, discriminés et réprimés par le système colonial ; cela jusqu’en avril 1959, date de l’arrestation de Mahmud Mansouri, de son nom de guerre Séoud, qui dirigeait alors la wilâya de Lyon. Prit, en quelque sorte, par la suite le relais un réseau davantage marqué à gauche et sans références religieuses, mais plutôt moins homogène : sous l’impulsion de l’homme de théâtre Jean-Marie Boëglin, s’y côtoyaient des libertaires et autres sans partis – parmi eux des protestants – et des communistes à la marge : le portage de valises était un motif d’exclusion automatique du PCF en cas d’arrestation. Alors que, après 1962, nombre de militants de ce réseau devinrent amers, au point de souvent rompre avec l’Algérie réelle, les catholiques, eux, ne furent pas coupés de leur institution religieuse ; ils furent moins noyés de désillusion, et ils gardèrent davantage de liens – discrets mais réels – avec l’Algérie des Algériens.
Ne nous y trompons pas : le cardinal archevêque de Lyon et primat des Gaules Monseigneur Gerlier, ne fut pas un porteur de valises. Mais il avait chargé ses prêtres d’une mission d’entraide et de solidarité avec les Algériens de Lyon. Parmi eux, émerge la figure d’Albert Carteron. Ce prêtre ouvrier avait déjà séjourné en Algérie dès avant 1954. Balayeur à l’hôpital de Constantine, il en fut expulsé en 1955. Dès lors, son petit appartement de la rue Villeroy, au cœur du Lyon algérien de la place du Pont – aujourd’hui plombée par un insipide et roide immeuble en verre – servit de havre à ses frères algériens : ils furent en permanence cinq ou six à y demeurer avec lui. Après la guerre, il retourna à Constantine, il suivit une formation d’infirmier. Puis, dans une région particulièrement pauvre en encadrement médical, il se dépensa sans compter, totalement absorbé par sa tâche, jusqu’à sa mort en 1992, à 80 ans, dans un accident de voiture à El Kantara – entre Batna et Biskra. Ainsi vécut-il sa foi, dans la discrétion d’un engagement que nombre d’athées, marxistes ou autres, peuvent comprendre et partager – au demeurant, ce prêtre, qui, aussi, pensait et rédigeait, avait une culture marxistes non négligeable.
Pendant la guerre d’indépendance, les Algériens de Lyon avaient surnommé Albert Carteron al bi’r : le puits, en arabe - l’homme des secrets bien bien cachés. Le film de Béatrice Dubell est plus qu’une margelle : il permet de retrouver l’eau du passé enfoui, du passé qui dérange, et la France, et un certain catholicisme conservateur. C’est aussi un puits de lumière sur le monde décisif des petits et des sans grade qui, quasi souterrainement, font aussi l’histoire. Il remet à leur morne place les idéologues crispés de la prétendue « identité nationale ». Il renvoie dos à dos les lobbies de mémoire qui tonitruent sur place au nord de la Méditerranée et, au sud, cet obscurantisme structurel qui poigne l’Algérie, et que tentent de secouer tant d’engagements multiformes dans la société civile. Voilà un film qui vaut mille fois plus qu’une « repentance » – terme religieux que l’auteur de ces lignes récuse parce qu’il a trop de respect pour les religions pour en mésuser : une reconnaissance de responsabilités par l’État français dans les traumatismes causés par le système colonial serait un acte politique fort, un acte d’honnêteté et un acte d’humanité. Et c’est bien ce à quoi convie implicitement al bi’r : l’œuvre de Béatrice Dubell met en évidence ce que furent ces responsabilités premières, et où elles furent. Bi’r provient de la racine ba’ara – ba’ara c’est creuser un puits, mais en optique, c’est, aussi, focaliser.
Son film citoyen montre aussi que le pire n’est pas forcément programmé, et que les solidarités humaines font, aussi, partie de l’histoire. Elle rappelle pudiquement que, au-delà des religions, des cultures, des tabous et des formalisations politiques vulgaires, il s’est trouvé des humains – appelons les si l’on veut, ici, « algériens » et « français » – pour que la devise « liberté, égalité, fraternité » soit un objectif premier et une réalité vivante. En particulier, elle prouve, si besoin en était, qu’il n’existe pas de muraille de Chine entre les religions, en particulier entre les trois religions monothéistes : au XIIe siècle, l’abbé de Cluny Pierre le Vénérable tenait pour vrai que l’islam était une variété de christianisme.
Al bi’r invite à méditer sur les voies et moyens d’un avenir partagé de respect et de concorde de part et d’autre de la Méditerranée qui soit autre chose qu’un fourre-tout combinant médiatisation et marché ; je le ressens comme un message d’espoir, aussi bien, ici, pour les jeunes d’ascendance algérienne désorientés que, là-bas, pour les harragas désespérés. Mon maître et ami, le regretté Pierre Vidal-Naquet – qui enseigna l’histoire grecque à l’université de Lyon peu après la fin de la guerre de 1954-1962, et qui avait naguère été, notamment, le militant anticolonialiste résolu et le dreyfusiste rigoureux du comité Audin – pensait que l’historien qui se respecte est, aussi, indissociablement, un citoyen. Al bi’r est un matériau désormais incontournable pour le champ historien et un document pédagogique lumineux sur lequel les citoyens auront à réfléchir pour édifier leur futur.
Gilbert Meynier
[1] Mémoires de la guerre d’Algérie, L’Harmattan, Paris, 2007. Original : The memory of resistance : French opposition to the Algerian war (1954-1962), Berg, Oxford-New York, 1997
[2] La transcription coloniale, qui est aussi la plupart du temps, aujourd’hui, la transcription algérienne ordinaire, est el bi’r. La translittération phonétique internationale donne al bi’r. Question de convention. Ceci dit, cette dernière est usuellement reconnue comme internationalement valable par les scientifiques.
[3] Nom des circonscriptions de la Fédération de France du FLN – c’était le même nom qui était utilisé en Algérie pour désigner les six circonscriptions établies par le congrès de la Soummam en août 1956.
15:10 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : algérie, anticolonialisme, el bir, gilbert meynier