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03 septembre 2010

Les Folies de Lili B.

07:02 Écrit par Pataouete dans La poulitique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : bettencourt

02 septembre 2010

Le désarroi.

Je vous propose en 2 parties la lecture d'un Article de Laurent Theis, paru le 10/06/2010 dans le N°1968 de « Le Point » c'est sur le site de mes Amis "les Pieds Noirs progressistes" adresse ci-contre dans la rubrique Algérie que j'ai découvert ce texte. Mais on peut également y accéder par la Ligue des Droits de L'Homme de Toulon.

1930-1962

Désarroi. En 1962, ils durent quitter leur terre. Sans comprendre pourquoi.

Crispations.

La rue.jpgLes Européens sont en effet à présent 800 000, urbains à près des trois quarts. Leur thuriféraire Augustin Bernard leur renvoie une image flatteuse : « Ce nouveau peuple est doué de belles qualités physiques et morales. La race est vigoureuse et saine, trempée par le rude climat. L'Algérien est intelligent, énergique, audacieux. Il a, plus que le Français de la métropole, le goût du risque. » Le président de la République Doumergue est venu lui-même dire aux pieds-noirs que la France est fière d'eux et qu'ils sont ici chez eux pour toujours. Pourquoi ne le croiraient-ils pas ? Ils en ont d'autant plus besoin que, en partie grâce à eux, la population musulmane a augmenté dans des proportions bien plus fortes depuis quarante ans. « "Ils" sont désormais huit fois plus nombreux que "nous". » Si les rapports personnels ne sont pas forcément mauvais, la crainte de la masse, chez les Européens, est latente. Tout doit être fait pour éviter la submersion, qui commencerait par l'extension des droits civiques. Napoléon III était stigmatisé comme «empereur des Arabes», l'ancien gouverneur général Viollette, pour un projet bien modeste d'attribution de la citoyenneté à quelques élites, devient « Viollette l'Arabe », tout comme, en 1947, un gouverneur général décidé à appliquer le statut voté par le Parlement est affublé du sobriquet de « Chataigneau ben Mohammed » et écarté. Représentés par des magnats immensément riches qui ne leur ressemblent pas, les Blachette, Borgeaud, Schiaffino, Sérigny, les pieds-noirs, en grande majorité petites gens et certains même miséreux, se crispent dans le statu quo, toute réforme étant toujours déclarée prématurée. Cet état d'esprit sudiste veut que ce qui est vaille pour l'éternité, puisque chacun, pense-t-on, y trouve son compte. De plus, la participation décisive des Algériens à la libération de la France garantit à leurs yeux leur légitimité. Le réveil est d'autant plus douloureux. Il commence par le massacre de Sétif le 8 mai 1945. La rupture entre les deux sociétés algériennes s'amorce au couteau. En métropole, on a tendance à considérer que la gloire de l'Empire coûte cher, la métropole comblant le déficit grandissant du budget algérien et prenant désormais en charge la plupart des investissements. La guerre déclenchée en 1954 augmente prodigieusement la dépense, et la mobilisation du contingent n'améliore pas l'image des pieds-noirs, maintenant considérés comme exploiteurs, profiteurs et, de plus, se plaignant d'être abandonnés et malaimés par la nation qui, en réalité, les porte à bout de bras. Face au terrorisme du FLN, qui déchaîne l'horreur à Philippeville et El-Alia en août 1955, puis à Alger même en septembre 1956, leur salut dépend de plus en plus de l'armée, qui est loin de leur être acquise. Si la soudaine « fraternisation » franco-musulmane du 16 mai 1958 et le prodigieux « Je vous ai compris ! » lancé le 4 juin par de Gaulle aux perpétuels incompris d'Alger ramènent un sentiment d'espoir, le processus de séparation est en marche dès la fin de l'année. Pris entre deux feux, celui, meurtrier et violemment réprimé de l'insurrection nationaliste, et celui de la politique du Général qu'on croyait acquis à l'Algérie française, les pieds-noirs, dans les villes et d'abord à Alger, ne savent plus à qui se vouer, après l'échec de la semaine des barricades en janvier 1960, puis du putsch des généraux en avril 1961. Ni l'armée, ni la métropole, ni non plus la masse musulmane n'ont « basculé », comme on disait, en faveur de l'Algérie française. Vient alors le temps des activistes du désespoir, avec la création de l'Organisation armée secrète (OAS), où se retrouvent soldats perdus, étudiants déjantés et professions libérales exaltées, une bonne partie de la population européenne accompagnant le mouvement terroriste de sa cotisation et de concerts de casseroles.

Les réprouvés

Mais, en dirigeant ses coups contre les soldats loyaux et en frappant en métropole, lavalise1.jpgl'OAS scelle sa perte et précipite le départ massif des pieds noirs, victimes d'autre part d'enlèvements et d'assassinats de la part d'indépendantistes algériens qui, en effet, sont parvenus à leurs fins en mars 1962. De novembre 1954 à mars 1962, le nombre de victimes civiles européennes s'est élevé à 2 788 morts, 7 541 blessés et 875 disparus. Après l'indépendance, entre avril 1962 et le début de 1963, plus de 3 000 pieds noirs, qui avaient choisi de rester ou n'avaient pas réussi à partir, sont enlevés, et les deux tiers ne réapparaîtront pas. En 1957, Raymond Aron avait suggéré d'inscrire une grosse dotation budgétaire pour financer le rapatriement prévisible des pieds-noirs. L'ancien gouverneur général Soustelle avait répondu : « On ne rapatrie pas en métropole des gens qui sont nés en Algérie, dont les pères, les grand-pères et les arrière-grand-pères y sont nés et reposent de leur dernier sommeil. » Las ! En quelques semaines du printemps 1962, 800 000 de ces gens fuient dans les pires conditions leur seconde patrie pour une autre qu'ils ne connaissent souvent pas et qui leur fait triste accueil. Leur écœurement d'avoir été lâchés par les autorités et par les métropolitains n'était pas infondé, pour une raison simple : après avoir incarné le fleuron de l'Empire français, ce qui justifiait leur existence et leurs exigences, ils ne servaient plus à rien. Les colons glorieux étaient devenus des rapatriés réprouvés, avec leurs seuls souvenirs pour envelopper leur deuil.

07:18 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : algérie, laurent theis, histoire

01 septembre 2010

Pieds-noirs, la mémoire dans la peau

Je vous propose en 2 parties la lecture d'un Article de Laurent Theis, paru le 10/06/2010 dans le N°1968 de « Le Point » c'est sur le site de mes Amis "les Pieds Noirs progressistes" adresse ci-contre dans la rubrique Algérie que j'ai découvert ce texte. Mais on peut également y accéder par la Ligue des Droits de L'Homme de Toulon.

1830-1930

Pieds-noirs, la mémoire dans la peau.

L'installation

Alger_1830.jpg«Qui n'a pas connu l'Ancien Régime, aurait dit Talleyrand, ne sait pas ce qu'est la douceur de vivre. » Il est impossible de s'exprimer tout à fait sur les Européens d'Algérie sans tenir compte de cette dimension : en dépit des difficultés de toutes sortes, le bonheur d'exister, la lumière, la chaleur, les odeurs, les bruits, tout ce qui faisait la vie de « là-bas », qui a disparu et qui laisse inconsolé. De sorte qu'il est difficile, aujourd'hui encore, de faire coexister une mémoire passionnelle et une histoire raisonnée. L'histoire des pieds-noirs, avant même que soient surnommés ainsi, à partir de 1955, les Européens d'Algérie, apparaît pourtant courte et simple. Elle tiendrait en deux dates, l'arrivée en 1830 et le départ en 1962. De l'une à l'autre, la mise en valeur d'un pays magnifique par des hommes courageux, pour le plus grand bien de toutes les populations et le rayonnement de la France. Tout n'est pas faux dans ce raccourci, qui, pour beaucoup de pieds-noirs, tient lieu de viatique. Mais leur propre destinée n'a pas été si idyllique. En effet, la prise de possession de l'Algérie par la France a été longtemps chaotique. C'est que le succès même de la colonisation était loin d'être flagrant.

En 1848, on comptait environ 115 000 immigrants, un peu moins que de militaires, tant la conquête était rude, et parmi eux les étrangers étaient majoritaires. Beaucoup, en particulier les 15 000 « ouvriers parisiens » recrutés en octobre 1848 et les 6 000républicains expédiés après le coup d'Etat du 2 décembre 1851, ignoraient tout de l'agriculture et furent livrés à eux-mêmes dans un environnement hostile. Les abandons furent nombreux, et les 2 200 familles alsaciennes arrivées en 1871, si souvent célébrées, ne s'en sortirent guère mieux. De 1836 à 1856, les décès, 87 000, l'emportent sur les naissances, 75 000, dans la population européenne, principalement à cause des épidémies.

La grande crise de 1866-1868, qui commence par une invasion géante de criquets et se continue par le choléra et le typhus, provoque des ravages. Le banditisme est endémique et les soulèvements indigènes fréquents, celui de Mokrani, en 1871, étant le plus impressionnant. Jusqu'en 1880, les trois départements vivotent ou végètent, une grande partie des Européens souffre et parfois se décourage. L'espoir caressé depuis trente ans de peupler densément le pays ne s'est pas réalisé. Mais désormais la colonie européenne d'Algérie est en marche. La loi du 28 juin 1889 confère la nationalité française à tous les Européens qui sont nés en Algérie de parents étrangers, c'est-à-dire principalement Espagnols, Maltais et Italiens. Désormais, les natifs d'Algérie sont plus nombreux que les immigrants, et cette population vit à 65 % dans les villes, davantage qu'en métropole. Cette tendance ne cessera pas de s'accentuer, et les pieds-noirs, en dépit des images de carte postale, sont d'abord des fonctionnaires, des artisans, des commerçants, des salariés de l'hôtellerie-restauration, car le tourisme prend son essor. Si bigarrée soit-elle, la collectivité française développe une conscience particulariste qui conduit certains éléments à réclamer l'autonomie, voire davantage. Dans les années 1890 fleurit ainsi un slogan qu'on entendra soixante ans plus tard dans d'autres bouches : « L'Algérie aux Algériens ! »

Le Centenaire

Tchatche Homme.jpgEn 1930, est l'occasion d'un bilan matériel et moral sans doute grandiloquent, mais non dépourvu de réalité. Si le réseau de chemin de fer laissera toujours à désirer, des routes, des ponts, de grands ports actifs - celui d'Alger se classe juste après Marseille - ont été construits. Dans les grandes villes, un urbanisme moderne dessine un cadre de vie séduisant, avec activités associatives, sportives et artistiques dynamiques. Dans le bled, plus de 700 villages sont sortis de terre en un siècle, avec église, mairie et école à l'image de la province française. Le colonat européen possède et exploite 2,35 millions d'hectares, soit près d'un quart, et le plus fertile, de la surface totale du pays, sans trop songer que les indigènes, ces autres Algériens réputés français, ont été dépossédés, d'une manière ou d'une autre, de 40 % de leurs terres depuis la conquête. Des vergers, dont certains voués depuis 1900 à la clémentine, inventée par le frère Clément, jardinier de l'orphelinat catholique de Misserghin, surtout des vignes à perte de vue, des champs de blé et de tabac, acclimatés grâce à la technique du dry-farming, témoignent de l'œuvre accomplie.

Amédée Froger, maire inamovible de Boufarik, la « perle de la Mitidja », peut réciter un credo largement partagé devant le monument élevé « à la gloire de la colonisation française » : «Alentour, c'était le marécage, c'était la solitude, c'était la brousse, c'était la fièvre, c'était la nuit, c'était la mort. Au milieu de ce chaos, les Français vinrent... »

07:05 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, laurent theis, histoire

31 août 2010

Salut Laurent et Putain de Crabe !

 

fignon 3.jpg

Encore .....Pas le Moral...

 

14:50 Écrit par Pataouete dans Mes humeurs | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : laurent fignon

Les Roms, ces boucs émissaires

les-roms 1.jpgConfusion, stigmatisation : la méconnaissance des Roms et des gens du voyage mène à tous les excès, à l'image de la nauséabonde politique d'expulsion menée actuellement par le gouvernement. Afin de mieux connaître l'histoire de ce peuple souvent rejeté, Télérama a rencontré : Marcel Courthiade, professeur de langue et de civilisation romani. Gràce à eux, je vous offre un éclairage précieux… et civique.

Les Roms

Les Roms 6.jpgIl s'agit à l'origine d'une population citadine de la moyenne vallée du Gange, en Inde, déportée en 1018 en direction de l'Afghanistan parce que les Afghans avaient besoin de leurs compétences d'artistes et d'artisans. Plus tard, les Roms (1) participent à la grande avancée militaire des tribus seldjoukides (qui ont donné naissance aux Turcs), les conduisant en Asie Mineure – avant de poursuivre leur avancée dans les Balkans et le reste de l'Europe de l'Ouest, au XIVe siècle. « Rom » est le nom par lequel ce peuple se désigne depuis toujours en langue romani : il provient d'un mot sanskrit qui signifie « artiste, artisan ».

Ils seraient aujourd'hui entre 10 et 12 millions sur notre continent, et 3 millions en Amérique, liés par une origine, une langue et une vision du monde en grande partie communes. La première population rom arrive en France vers 1420, et son histoire est marquée, dès 1500, par la persécution. Au début du XXe siècle, ceux qu'on appelle alors les « bohémiens » sont entre 50 000 et 100 000 sur le territoire. La Constitution française ne permettant pas de persécuter des citoyens sur une base ethnique, les autorités transforment, par un tour de passe-passe lexical, cette communauté « bohémienne » en « nomades », c'est-à-dire en délinquants potentiels pour lesquels on crée un « carnet anthropométrique » à faire viser chaque semaine, comme les repris de justice. Le terme technique et administratif de « nomades », qui va désigner les Roms à partir de 1912, est absurde : d'abord, une minorité de « bohémiens » seulement était alors mobile. Ensuite, les ­nomades désignent déjà, à l'époque, les bergers qui font la transhu­mance. On amalgamait donc à la fois des Roms et des populations d'origine française – normande, auvergnate, germanique ou autre.

On recense un demi-million de Roms en France. 15% seulement des Roms français sont mobiles.

 Les Roms 5.jpg« Rom » recouvre donc une identité culturelle, historique et patrimoniale. «nomades" puis « gens du voyage » après guerre) est une catégorie administrative. On recense un demi-million de Roms en France (chiffre déclaré à la Commission européenne par l'actuel gouvernement, en 2008), mais 50 % seulement des gens du voyage sont Roms. Et 15 % seulement des Roms français sont mobiles. Cette mobilité est d'ailleurs une spécificité hexagonale, puisque 2 % seulement des Roms européens sont itinérants, ce qui ne les empêche pas de la considérer, avec fierté, comme partie intégrante de leur patrimoine culturel : ils ont adopté cette mobilité, la revendiquent désormais comme leur richesse face à l'uniformisation des modes de vie. Rappelons d'ailleurs que cette singularité est un droit, reconnu par l'article 13 de la Déclaration universelle des droits de l'homme...

Les Roms 4.jpgLorsqu'une population est inculte ou acculturée, sa langue disparaît en quelques générations. Le romani, apparenté à l'hindi, existe, lui, depuis plus de mille ans et reste une langue bien vivante, alors que notre pays, comme le savent hélas les Bretons et les Provençaux, a passé tous ses parlers régionaux à la moulinette jacobine. Il existe une littérature romani, qui date de la fin du XIXe siècle, et qui s'est enrichie de façon tout à fait singulière en Union soviétique entre les deux guerres avec de la prose courte très savoureuse et un peu de poésie, puis, après guerre, par de la poésie en Yougoslavie, Hongrie et Tchécoslovaquie.

En matière religieuse, on parlera de « spiritualité rom » plutôt que de religion fixe ou de dogmes. Les Roms ont développé des schémas matriciels sur lesquels différentes religions peuvent se greffer. Passer du polythéisme indien à l'islam, de l'islam à l'orthodoxie, puis au protestantisme ou au catholicisme fervent, ne leur a guère posé de difficultés. Tout le contraire, donc, de l'enfermement religieux, même si on constate aujourd'hui le succès d'un évangélisme strict au sein de certaines communautés.

On reproche parfois aux Roms de vivre repliés sur eux-mêmes, d'avoir une culture fermée au monde extérieur. C'est un stéréotype : tous les cas de figure existent, d'un bout de l'Europe à l'autre. Dans les régions monolithiques sur le plan culturel, comme les Carpates, les communautés vivent plutôt refermées sur elles-mêmes – et les Roms n'échappent pas à la règle. Là où les échanges territoriaux sont plus nombreux, en revanche, comme dans les Balkans, l'osmose avec les autres populations est permanente, mais rien dans la culture rom ne s'oppose à la rencontre et à la mixité, y compris dans les mariages : ainsi, un père gitan aura beau répéter que sa fille n'épousera jamais un gadjo (et les parents ont une réelle emprise sur leurs enfants, car la cohésion familiale reste forte dans cette communauté), un mariage mixte qui se passe bien est une fierté !

Itinérance

Les Rpms 2.jpg

Il est impossible de savoir combien de gens du voyage circulent en France, car les statistiques ethniques sont interdites. Mais on parle de 50 000 à 100 000 personnes. Les convois se forment en fonction des circonstances – les opportunités de travail, de commerce (les marchés), les menaces d'expulsion, la taille des aires de stationnement disponibles (et elles représentent 30 % de ce que la loi exige !) ou les pèlerinages –, et le nombre de voitures dans chaque convoi ne suit pas de règle a priori. On constate en revanche la répétition de certains modèles dans l'espace parcouru – les gens du voyage tournent souvent à l'intérieur d'un seul département – et dans la fréquence des départs : pour garder leur statut de « gdv », ils doivent bouger ! Leur carnet de circulation tient souvent lieu de papiers d'identité. Et ce carnet, ils vont le chercher au service... des étrangers, dans les préfectures, alors qu'ils sont français et que leur attachement au pays est aussi fort que celui d'un Normand. Ce qui n'empêche pas les Roms de se reconnaître aussi dans l'identité romani, et d'avoir plaisir à rencontrer d'autres Roms d'un bout à l'autre de l'Europe.

Mendicité

Les Roms 3.jpegC'est une question délicate, pleine de malentendus. D'abord, les faits : partout où on n'a pas mis de bâtons dans les roues des Roms, ces derniers ont prospéré. Ainsi, les deux tiers des Roms européens sont très bien intégrés : on trouve parmi eux des PDG, des artistes de renom ainsi que des profs et des commerçants. La misère d'une partie d'entre eux n'est donc ni une malédiction, ni une prédestination, ni une incapacité. Observons ensuite les chiffres : il y a aujourd'hui, en France, environ 8 000 Roms de Roumanie et 1 000 autres de Bulgarie. On estime dans le même temps à 100 000 le nombre de ressortissants roumains et bulgares (non-Roms) dans notre pays. Ces derniers bossent au noir puisque leur droit au travail légal est soumis à de sérieuses restrictions jusqu'en 2014, mais ils ne font l'objet d'aucune mesure particulière des gouvernements.

Pour les Roms qui viennent en France, la situation est donc doublement bloquée : en Roumanie, les efforts, incontestables, du gouvernement pour combattre la discrimination tardent à faire sentir leurs effets sur le terrain. La corruption, les magouilles politiciennes, une gestion catastrophique des aides et le racisme ordinaire empêchent que la situation des Roms s'améliore durablement. Second blocage, cette fois en France : les immigrés roumains n'ont pas plus envie de partager leur job avec les Roms ici qu'en Roumanie. Ils exercent une espèce de blocus, en privilégiant leurs réseaux familiaux et amicaux. Ajoutons enfin que la grande majorité des Roms des pays de l'Est qui arrivent en France sont des évangélistes qui se refusent absolument à la délinquance (même s'il existe, comme partout, des exceptions). Bloqués, en Roumanie comme en France, pour trouver du travail, « interdits » de vol, que leur reste-t-il ? La mendicité. Mais rien, dans leur culture, n'a jamais dit que celle-ci était une « profession » honorable.

Scolarisation

Une des motivations essentielles des Roms roumains qui viennent en France, Italie et Espagne, est la scolarisation des enfants : le roumain étant proche des langues de ces pays, ils pensent que leurs enfants s'y intégreront mieux qu'en Suède ou en Allemagne, pourtant plus riches. Mais l'espoir de scolarisation est vite déçu, certaines écoles refusant d'accueillir les enfants bien que la loi les y oblige. Après une ou deux tentatives, de guerre lasse, les parents abandonnent. En ce qui concerne les gens du voyage, on peut concevoir que lorsqu'un convoi arrive dans un quartier, avec une ­dizaine d'enfants à scolariser, la situation n'est pas facile à gérer pour l'instituteur, la classe et, évidemment, les enfants voyageurs.

Pas la moindre mention de la communauté rom n'apparaît dans les ouvrages scolaires.

Pourtant, si l'école française était préparée au fait que, de temps en temps, des enfants vont se joindre à la classe, parce que leurs parents ont un mode de vie différent mais légitime, les choses seraient beaucoup plus aisées. Si l'on intégrait enfin dans les manuels de géographie qu'il existe un type d'habitat mobile en France, si l'on consacrait ne serait-ce qu'une demi-page à cette vaste communauté rom dans les livres d'histoire, le regard des enfants et des instituteurs changerait. Or pas la moindre mention de cette communauté n'apparaît dans ces ouvrages. On ne la trouve pas plus, d'ailleurs, dans la plupart des his­toires de France ou du monde. Les Roms sont des fantômes : comment voulez-vous que le citoyen français soit préparé à les accepter quand ils surgissent dans son paysage ?

Les déclarations de Nicolas Sarkozy

La communauté des Roms, mais aussi les gens du voyage, les ont reçues sans surprise mais avec inquiétude. On peut se demander si Nicolas Sarkozy a intégré les valeurs de la République qu'il préside : faut-il lui rappeler que, dans ce pays, les châtiments collectifs (car une campagne massive, déclenchée brutalement après un incident, n'a pas d'autre nom) ne relèvent pas d'une vision constitutionnelle du droit ? Comparez l'ampleur des mesures prises, au lendemain des événements de Saint-Aignan, contre des milliers de personnes vulnérables, avec celles décidées au même moment à Grenoble, où les troubles étaient bien plus graves, on constate qu'il y a deux poids, deux mesures. Et c'est la définition même de la discrimination.

La mobilisation des Français pour la défense de la communauté rom a été forte et belle. Mais va-t-elle durer ? Quand Michel Rocard cite Vichy, certains trouvent qu'il va trop loin. N'empêche, aujourd'hui comme hier, un gouvernement dépassé par la crise économique cherche son bouc émissaire, et une diversion. N'oublions pas que, sous Vichy, ce sont les gendarmes français qui ont enfermé les « nomades » sous divers prétextes sécuritaires, notamment celui d'« espionnage » ; que plusieurs centaines, sans doute même des milliers, de Roms sont morts dans les camps en France, et que près de 600 000 ont été massacrés en Europe. Si les gens acceptent la stigmatisation tentée par Nicolas Sarkozy, les choses peuvent dégénérer. Pour le moment, ce n'est pas le cas. Mais comme disait Brecht,

« le ventre est encore fécond, d'où est surgie la bête immonde ». Mieux vaut combattre celle-ci dans l'œuf.

les-roms 1.jpg


L'insulte à la République

Stigmatiser une des communautés qui composent la France, qu'elle soit culturelle ou ethnique, religieuse ou linguistique, est impardonnable. D'abord, parce que la France s'enorgueillit, dans ses textes fondateurs, de ne pas distinguer entre ses citoyens lorsqu'il s'agit d'appliquer la loi. Ensuite, parce que notre pays a montré par le passé, malheureusement, qu'il pouvait s'asseoir sur ce principe. Du coup, quand Nicolas Sarkozy dénonce, après avoir pesé ses mots, les « comportements de certains Roms et gens du voyage », et organise dans la foulée une spectaculaire politique d'expulsion de Roms étrangers, il ne se contente pas de déraper : il flétrit l'esprit et la lettre des valeurs qu'il est censé incarner, par sa fonction. Et ravive de mauvais souvenirs. Depuis des siècles, les Roms connaissent le racisme ou la persécution. Sédentaires ou « gens du voyage », français depuis quatre cents ans ou fraîchement venus d'ailleurs, ils payent cash la profonde méconnaissance de leur culture par l'Etat, et par le reste de la population, qui n'a d'ailleurs, il faut le souligner, pas mordu à l'hameçon du président. Mais qui connaît les Roms, vraiment ? Ni meilleurs, ni moins bons que les autres, ils endossent, bien plus que d'autres, le triste manteau du bouc émissaire. Apprendre à les connaître, c'est déjà arracher ce manteau de leurs épaules, empêcher les amalgames et même... l'injure à la République.

09:57 Écrit par Pataouete dans La poulitique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : roms, tsiganes, gitans, nomades, marcel courthiade