02 septembre 2010
Le désarroi.
Je vous propose en 2 parties la lecture d'un Article de Laurent Theis, paru le 10/06/2010 dans le N°1968 de « Le Point » c'est sur le site de mes Amis "les Pieds Noirs progressistes" adresse ci-contre dans la rubrique Algérie que j'ai découvert ce texte. Mais on peut également y accéder par la Ligue des Droits de L'Homme de Toulon.
1930-1962
Désarroi. En 1962, ils durent quitter leur terre. Sans comprendre pourquoi.
Crispations.
Les Européens sont en effet à présent 800 000, urbains à près des trois quarts. Leur thuriféraire Augustin Bernard leur renvoie une image flatteuse : « Ce nouveau peuple est doué de belles qualités physiques et morales. La race est vigoureuse et saine, trempée par le rude climat. L'Algérien est intelligent, énergique, audacieux. Il a, plus que le Français de la métropole, le goût du risque. » Le président de la République Doumergue est venu lui-même dire aux pieds-noirs que la France est fière d'eux et qu'ils sont ici chez eux pour toujours. Pourquoi ne le croiraient-ils pas ? Ils en ont d'autant plus besoin que, en partie grâce à eux, la population musulmane a augmenté dans des proportions bien plus fortes depuis quarante ans. « "Ils" sont désormais huit fois plus nombreux que "nous". » Si les rapports personnels ne sont pas forcément mauvais, la crainte de la masse, chez les Européens, est latente. Tout doit être fait pour éviter la submersion, qui commencerait par l'extension des droits civiques. Napoléon III était stigmatisé comme «empereur des Arabes», l'ancien gouverneur général Viollette, pour un projet bien modeste d'attribution de la citoyenneté à quelques élites, devient « Viollette l'Arabe », tout comme, en 1947, un gouverneur général décidé à appliquer le statut voté par le Parlement est affublé du sobriquet de « Chataigneau ben Mohammed » et écarté. Représentés par des magnats immensément riches qui ne leur ressemblent pas, les Blachette, Borgeaud, Schiaffino, Sérigny, les pieds-noirs, en grande majorité petites gens et certains même miséreux, se crispent dans le statu quo, toute réforme étant toujours déclarée prématurée. Cet état d'esprit sudiste veut que ce qui est vaille pour l'éternité, puisque chacun, pense-t-on, y trouve son compte. De plus, la participation décisive des Algériens à la libération de la France garantit à leurs yeux leur légitimité. Le réveil est d'autant plus douloureux. Il commence par le massacre de Sétif le 8 mai 1945. La rupture entre les deux sociétés algériennes s'amorce au couteau. En métropole, on a tendance à considérer que la gloire de l'Empire coûte cher, la métropole comblant le déficit grandissant du budget algérien et prenant désormais en charge la plupart des investissements. La guerre déclenchée en 1954 augmente prodigieusement la dépense, et la mobilisation du contingent n'améliore pas l'image des pieds-noirs, maintenant considérés comme exploiteurs, profiteurs et, de plus, se plaignant d'être abandonnés et malaimés par la nation qui, en réalité, les porte à bout de bras. Face au terrorisme du FLN, qui déchaîne l'horreur à Philippeville et El-Alia en août 1955, puis à Alger même en septembre 1956, leur salut dépend de plus en plus de l'armée, qui est loin de leur être acquise. Si la soudaine « fraternisation » franco-musulmane du 16 mai 1958 et le prodigieux « Je vous ai compris ! » lancé le 4 juin par de Gaulle aux perpétuels incompris d'Alger ramènent un sentiment d'espoir, le processus de séparation est en marche dès la fin de l'année. Pris entre deux feux, celui, meurtrier et violemment réprimé de l'insurrection nationaliste, et celui de la politique du Général qu'on croyait acquis à l'Algérie française, les pieds-noirs, dans les villes et d'abord à Alger, ne savent plus à qui se vouer, après l'échec de la semaine des barricades en janvier 1960, puis du putsch des généraux en avril 1961. Ni l'armée, ni la métropole, ni non plus la masse musulmane n'ont « basculé », comme on disait, en faveur de l'Algérie française. Vient alors le temps des activistes du désespoir, avec la création de l'Organisation armée secrète (OAS), où se retrouvent soldats perdus, étudiants déjantés et professions libérales exaltées, une bonne partie de la population européenne accompagnant le mouvement terroriste de sa cotisation et de concerts de casseroles.
Les réprouvés
Mais, en dirigeant ses coups contre les soldats loyaux et en frappant en métropole, l'OAS scelle sa perte et précipite le départ massif des pieds noirs, victimes d'autre part d'enlèvements et d'assassinats de la part d'indépendantistes algériens qui, en effet, sont parvenus à leurs fins en mars 1962. De novembre 1954 à mars 1962, le nombre de victimes civiles européennes s'est élevé à 2 788 morts, 7 541 blessés et 875 disparus. Après l'indépendance, entre avril 1962 et le début de 1963, plus de 3 000 pieds noirs, qui avaient choisi de rester ou n'avaient pas réussi à partir, sont enlevés, et les deux tiers ne réapparaîtront pas. En 1957, Raymond Aron avait suggéré d'inscrire une grosse dotation budgétaire pour financer le rapatriement prévisible des pieds-noirs. L'ancien gouverneur général Soustelle avait répondu : « On ne rapatrie pas en métropole des gens qui sont nés en Algérie, dont les pères, les grand-pères et les arrière-grand-pères y sont nés et reposent de leur dernier sommeil. » Las ! En quelques semaines du printemps 1962, 800 000 de ces gens fuient dans les pires conditions leur seconde patrie pour une autre qu'ils ne connaissent souvent pas et qui leur fait triste accueil. Leur écœurement d'avoir été lâchés par les autorités et par les métropolitains n'était pas infondé, pour une raison simple : après avoir incarné le fleuron de l'Empire français, ce qui justifiait leur existence et leurs exigences, ils ne servaient plus à rien. Les colons glorieux étaient devenus des rapatriés réprouvés, avec leurs seuls souvenirs pour envelopper leur deuil.
07:18 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : algérie, laurent theis, histoire
Commentaires
"Dis papy raconte nous l'Algérie" mission réussie, merci Yves
Écrit par : noelle | 02 septembre 2010
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