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01 septembre 2010

Pieds-noirs, la mémoire dans la peau

Je vous propose en 2 parties la lecture d'un Article de Laurent Theis, paru le 10/06/2010 dans le N°1968 de « Le Point » c'est sur le site de mes Amis "les Pieds Noirs progressistes" adresse ci-contre dans la rubrique Algérie que j'ai découvert ce texte. Mais on peut également y accéder par la Ligue des Droits de L'Homme de Toulon.

1830-1930

Pieds-noirs, la mémoire dans la peau.

L'installation

Alger_1830.jpg«Qui n'a pas connu l'Ancien Régime, aurait dit Talleyrand, ne sait pas ce qu'est la douceur de vivre. » Il est impossible de s'exprimer tout à fait sur les Européens d'Algérie sans tenir compte de cette dimension : en dépit des difficultés de toutes sortes, le bonheur d'exister, la lumière, la chaleur, les odeurs, les bruits, tout ce qui faisait la vie de « là-bas », qui a disparu et qui laisse inconsolé. De sorte qu'il est difficile, aujourd'hui encore, de faire coexister une mémoire passionnelle et une histoire raisonnée. L'histoire des pieds-noirs, avant même que soient surnommés ainsi, à partir de 1955, les Européens d'Algérie, apparaît pourtant courte et simple. Elle tiendrait en deux dates, l'arrivée en 1830 et le départ en 1962. De l'une à l'autre, la mise en valeur d'un pays magnifique par des hommes courageux, pour le plus grand bien de toutes les populations et le rayonnement de la France. Tout n'est pas faux dans ce raccourci, qui, pour beaucoup de pieds-noirs, tient lieu de viatique. Mais leur propre destinée n'a pas été si idyllique. En effet, la prise de possession de l'Algérie par la France a été longtemps chaotique. C'est que le succès même de la colonisation était loin d'être flagrant.

En 1848, on comptait environ 115 000 immigrants, un peu moins que de militaires, tant la conquête était rude, et parmi eux les étrangers étaient majoritaires. Beaucoup, en particulier les 15 000 « ouvriers parisiens » recrutés en octobre 1848 et les 6 000républicains expédiés après le coup d'Etat du 2 décembre 1851, ignoraient tout de l'agriculture et furent livrés à eux-mêmes dans un environnement hostile. Les abandons furent nombreux, et les 2 200 familles alsaciennes arrivées en 1871, si souvent célébrées, ne s'en sortirent guère mieux. De 1836 à 1856, les décès, 87 000, l'emportent sur les naissances, 75 000, dans la population européenne, principalement à cause des épidémies.

La grande crise de 1866-1868, qui commence par une invasion géante de criquets et se continue par le choléra et le typhus, provoque des ravages. Le banditisme est endémique et les soulèvements indigènes fréquents, celui de Mokrani, en 1871, étant le plus impressionnant. Jusqu'en 1880, les trois départements vivotent ou végètent, une grande partie des Européens souffre et parfois se décourage. L'espoir caressé depuis trente ans de peupler densément le pays ne s'est pas réalisé. Mais désormais la colonie européenne d'Algérie est en marche. La loi du 28 juin 1889 confère la nationalité française à tous les Européens qui sont nés en Algérie de parents étrangers, c'est-à-dire principalement Espagnols, Maltais et Italiens. Désormais, les natifs d'Algérie sont plus nombreux que les immigrants, et cette population vit à 65 % dans les villes, davantage qu'en métropole. Cette tendance ne cessera pas de s'accentuer, et les pieds-noirs, en dépit des images de carte postale, sont d'abord des fonctionnaires, des artisans, des commerçants, des salariés de l'hôtellerie-restauration, car le tourisme prend son essor. Si bigarrée soit-elle, la collectivité française développe une conscience particulariste qui conduit certains éléments à réclamer l'autonomie, voire davantage. Dans les années 1890 fleurit ainsi un slogan qu'on entendra soixante ans plus tard dans d'autres bouches : « L'Algérie aux Algériens ! »

Le Centenaire

Tchatche Homme.jpgEn 1930, est l'occasion d'un bilan matériel et moral sans doute grandiloquent, mais non dépourvu de réalité. Si le réseau de chemin de fer laissera toujours à désirer, des routes, des ponts, de grands ports actifs - celui d'Alger se classe juste après Marseille - ont été construits. Dans les grandes villes, un urbanisme moderne dessine un cadre de vie séduisant, avec activités associatives, sportives et artistiques dynamiques. Dans le bled, plus de 700 villages sont sortis de terre en un siècle, avec église, mairie et école à l'image de la province française. Le colonat européen possède et exploite 2,35 millions d'hectares, soit près d'un quart, et le plus fertile, de la surface totale du pays, sans trop songer que les indigènes, ces autres Algériens réputés français, ont été dépossédés, d'une manière ou d'une autre, de 40 % de leurs terres depuis la conquête. Des vergers, dont certains voués depuis 1900 à la clémentine, inventée par le frère Clément, jardinier de l'orphelinat catholique de Misserghin, surtout des vignes à perte de vue, des champs de blé et de tabac, acclimatés grâce à la technique du dry-farming, témoignent de l'œuvre accomplie.

Amédée Froger, maire inamovible de Boufarik, la « perle de la Mitidja », peut réciter un credo largement partagé devant le monument élevé « à la gloire de la colonisation française » : «Alentour, c'était le marécage, c'était la solitude, c'était la brousse, c'était la fièvre, c'était la nuit, c'était la mort. Au milieu de ce chaos, les Français vinrent... »

07:05 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, laurent theis, histoire

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