07 septembre 2010
L'Algérie au cœur ...
Où J'ai laissé mon âme par Jérôme Ferrari
(Actes Sud)
1957, Alger. Le capitaine André Degorce retrouve le lieutenant Horace Andreani avec lequel il a affronté l'horreur des combats puis de la détention en Indochine. Désormais, les prisonniers passent des mains de Degorce à celles d'Andreani, d'un tortionnaire à l'autre : les victimes sont devenues bourreaux. Autour de Tahar, figure étonnamment christique de la rébellion, les deux hommes devront trouver les armes pour affronter leurs trahisons intimes.
A travers trois personnages inoubliables, rassemblés dans la douleur par les injonctions de l'Histoire, Jérôme Ferrari, avec une magnifique intransigeance et dans une écriture somptueuse, invite le lecteur à affronter l'intimidante souveraineté de l'épreuve au prix de laquelle se conquiert toute liberté digne de ce nom.
Le Canard enchaîné :
Ils ont tout connu, la débâcle, les camps de concentration, la défaite de Diên Biên Phu et en 1957 ils se retrouvent en Algérie: il s'agit du capitaine André Degorce et du lieutenant Horace Andreani. Ils vont s'affronter. Se déchirer. Ils n'ont pas la même conception des événements. L'un, Andreani, ira trouver dans l'OAS une réponse à ses interrogations. Pour lui, ce sera la logique de sa loyauté. Il sera amnistié. L'autre, son chef, le capitaine André Degorce, se battra toujours, alourdi de sa conscience de bon soldat catholique.
Ce duel que nous raconte Jérôme Ferrari est affûté comme un poignard et a la dureté des méthodes employées « là-bas » pour faire parler et éviter ainsi d'autres morts. Au milieu d'une boue de sentiments bafoués et de promesses abjectes se lève Tahar, le commandant de l'Armée de libération nationale. Pour Degorce, c'est presque une icône, pour Andreani, c'est l'ennemi n° 1 : d'ailleurs, sans le dire à son chef, il le fera pendre.
Andreani « aime» son capitaine, mais, dans le même temps, il « le méprise ». Et leur face-à-face remet en question, d'une manière abrupte - et sans aucune concession - cette guerre d'Algérie que l'oubli voudrait effacer : « Tout est si léger mon capitaine, tout s'oublie si vite. Le sang des nôtres et le sang que nous avons répandu ont été depuis longtemps effacés par un sang nouveau qui sera bientôt effacé à son tour. »
Ce roman, soutenu par une écriture implacable, marque cette rentrée littéraire au fer rouge. Où la compassion devient quelque chose de gluant. C'est le capitaine Degorce, loyal d'une autre manière, qui dit: « Quelque chose surgit de l'homme, quelque chose de hideux, qui n'est pas humain, et c'est pourtant l'essence de l'homme, sa vérité profonde. »
C'est la nudité totale qui est donnée en partage. Jérôme Ferrari avec « Où j'ai laissé mon âme » laisse le lecteur au milieu d'interrogations multiples. C'est plutôt vivifiant.
André Rollin
07:55 Écrit par Pataouete dans L'Algérie, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ou j'ai laissé mon ame, jérome ferrari, algérie
05 septembre 2010
Pas glop : Pifou est orphelin
La triste nouvelle est tombée par le biais du blog de François Corteggiani et relayé par actuabd: Roger Mas, le créateur (entre autres) de Pifou s’est éteint la semaine passée à 86 ans. Si l’auteur était très discret, ses personnages étaient très connus et appréciés des lecteurs de Pif Gadget (Pifou, donc, mais aussi reprise de Pif après Arnal et avant Yannick, et Léo Bête à part), mais aussi du Journal de Tintin (courte série Kesako) et de Vaillant.
Un magazine centré sur son personnage fétiche, le chien Pifou a même existé il y a une vingtaine d’années. Si le personnage de Pifou est connu, c’est surtout par son langage limité et expressif qui le distingue ; je suis à peu près certain que des milliers de personnes prononcent ou écrivent Glop ! ou pas Glop ! pour exprimer joie, déception ou tristesse. Ce monsieur jouissait d’une retraite méritée, cela va sans dire pour sa contribution à la BD de presse, et c’est un triste exercice de devoir annoncer sa disparition.
Pas Glop…
07:58 Écrit par Pataouete dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : pifou, pif, mas
15 juillet 2010
Les "étoiles noires" de Thuram
L’ancien footballeur français Lilian Thuram consacre un ouvrage aux grandes personnalités noires de l’histoire. Mes étoiles noires, paru aux éditions Philippe Rey, est disponible depuis janvier. La littérature, un autre moyen pour le sportif de combattre le racisme.
Déjà connu pour son engagement politique sur des sujets liés à l’immigration, l’ancien international et champion du monde Lilian Thuram a publié, en janvier dernier aux éditions Philippe Rey, Mes étoiles noires. Le livre qui deux semaines après sa parution se classait en deuxième position dans le Top 20 Ipsos/Livres Hebdo des meilleures ventes d’essais en France, rend hommage à des personnalités noires qui ont marqué l’histoire de l’humanité.
Pédagogique, pragmatique. Comme de nombreux footballeurs noirs, Lilian Thuram a connu les supporters qui imitent les cris de singe, chaque fois qu’un footballeur noir touche le ballon. Mais il n’en veut à personne. Pour lui, si le racisme persiste dans les sociétés modernes, si 55% de la population française croit encore à l’existence des races distinctes, c’est parce qu’on a conservé dans l’éducation, des représentations de l’humanité héritées du passé.
Évoquant le cas des enfants qui, on le sait, ne naissent pas racistes, l’ancien défenseur des Bleus rappelle que ceux-ci ne se disent jamais noir ou blanc, lorsqu’ils font référence à la couleur de la peau. Ils parlent de rose, beige, marron, etc. « Blanc et noirs sont des constructions historiques. Il faut parcourir l’histoire pour déconstruire les préjugés ». D’où son livre qui valorise les grands hommes noirs du passé. « Le jour où les livres intégreront les gens de toutes les couleurs, les mentalités évolueront ». Pour Lilian Thuram, tous les moyens sont bons pour lutter contre le racisme.
08:04 Écrit par Pataouete dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : etoiles noires, thuram
09 juillet 2010
Dictionnaire amoureux de l'Alsace
Dictionnaire amoureux de l'Alsace
Gilles Pudlowski
" Longtemps, j'ai cru que l'Alsace était une région française.
Avant de comprendre que cette terre si particulière et si particulariste - ce qui n'est pas la même chose - se suffisait à elle-même.
Que ses demeures à pans de bois, son débordement de fleurs, son imagerie à la Hansi, sa gourmandise à la fois soignée et obsessionnelle, sa propreté helvétique, son sens de l'ordre façon germanique, ses racines rhénanes en faisaient un pays à part.
Comme on peut l'affirmer d'une autre région, pareillement jalouse de sa différence, on glissera que l'Alsace est un roman, une longue mélodie, une fable.
Elle fut convoitée par les uns, envahie par les autres, pillée par tous. Elle fut celte, germaine, laminée par les Suédois, ruinée par la guerre de Trente Ans, repeuplée par les Suisses.
Voici donc ce dictionnaire partial et passionné sur une région aussi riche en artistes de talent, en poètes affables qu'en cuisiniers fameux, en savants narquois qu'en vignerons audacieux, en militaires courageux qu'en chansonniers rieurs."
Même en vacances je suis obsédé par mes copains de blog alsacien !
Spéciale dédicace...
08:03 Écrit par Pataouete dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lsace
02 juin 2010
"A nos Morts"
A l'occasion des débats provoqués par les films présentés au Festival de Cannes, un "Remarquable" copain de blog ma transmis un lien proposant de relater l'Histoire des Tirailleurs Africains : les "Sentinelles de l'Empire". Je remercie les auteurs de : l'histgeobox et, si vous êtes intéressés par l'Histoire je vous conseille d'aller les lire.
Ce thème fera l'objet de plusieurs notes tout au long de la prochaine quinzaine.
La Haine raciale des Allemands
Dans les rangs de la France Libre
Le C.A.M.P. "A nos morts"
L'album "A nos morts" est l'œuvre d'une compagnie de rappeurs et de chanteurs de Strasbourg : le C.A.M.P., Collectif d'artistes pour une mémoire partagée. Il retrace l'histoire des tirailleurs africains, maghrébins et asiatiques - de 1857 à 1945 -, à travers de raps originaux ou de textes fondateurs ("l'Affiche rouge" de Louis Aragon, des déclarations de Jean Jaurès ou de Kateb Yacine) mis en musique et conceptualisé par Yan Gilg. Nous avons ici sélectionné le morceau "Hosties noires". Son titre fait référence à un recueil de poèmes que Léopold Sedar Senghor dédie aux tirailleurs sénégalais en 1948. Les paroles du morceau sont également empruntées à deux poèmes grand écrivain franco-sénégalais.
« Vous tirailleurs sénégalais, mes frères noirs à la main chaude sous la glace et la mort ;
Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'arme, votre frère de sang ?
Je ne laisserai pas les louanges de mépris vous enterrer furtivement
[première strophe tirée du poème Ode aux martyrs sénégalais]
Je déchirerai les rires banania sur tous les murs de France
Qui m'invite à sa table et me dit d'apporter mon pain ?
qui me donne de la main droite et de la main gauche enlève la moitié ?
Oui, Seigneur, pardonne à la France qui hait les occupants et m'impose l'occupation si gravement
[ deuxième strophe tirée du poème "Prière de paix"]
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. Vous, mes frères obscurs, personne ne vous nomme.
On vous promet 500 000 de vos enfants à la gloire des futurs morts, on les remercie d'avance, futurs morts obscurs ... »
[dernière strophe tirée du poème "aux tirailleurs sénégalais morts pour la France. Voir ci-dessous]
Ode aux martyrs sénégalais
Vous Tirailleurs sénégalais, mes frères noirs à la main chaude
sous la glace et la mort
Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'armes, votre frère de sang ?
Je ne laisserai pas la parole aux ministres et pas aux généraux
Je ne laisserai pas - non ! - les louanges de mépris
vous enterrer furtivement.
Vous n'êtes pas des pauvres aux poches vides sans honneur
Mais je déchirerai les rires « banania » sur tous les murs de France.
Car les poètes chantaient les fleurs artificielles
des nuits de Montparnasse
Ils chantaient la nonchalance des chalands
sur les canaux de moire et de simarre
Ils chantaient le désespoir distingué des poètes tuberculeux
Car les poètes chantaient les rêves des clochards
sous l'élégance des ponts blancs
Car les poètes chantaient les héros, et votre rire
n'était pas sérieux, votre peau noire pas classique.
Ah ! ne dites pas que je n'aime pas la France
je ne suis pas la France, je le sais -
Je sais que ce peuple de feu,
chaque fois qu'il a libéré ses mains,
A écrit la fraternité sur la première page de ses monuments
Qu'il a distribué la faim de l'esprit comme de la liberté
A tous les peuples de la terre conviés solennellement
au festin catholique
Pardonne-moi, Sira Badral, pardonne étoile du Sud de mon sang
Pardonne à ton petit-neveu s'il a lancé sa lance
pour les seize sons du sorong.
Notre noblesse nouvelle est non de dominer notre peuple,
mais d'être son rythme et son coeur
Non de paître les terres, mais comme le grain de millet
de pourrir dans la terre
Non d'être la tête du peuple, mais bien sa bouche et sa trompette.
Qui pourra vous chanter si ce n'est votre frère d'armes,
votre frère de sang
Vous Tirailleurs sénégalais, mes frères noirs à la main chaude,
couchés sous la glace et la mort ?
Léopold Sédar Senghor (Sénégal)
« Poème liminaire à L.-G. Damas »,
Hosties noires, (1948), © Éditions du Seuil.
07:45 Écrit par Pataouete dans L'Algérie, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tirailleurs africains, algérie