12 mai 2010
Teric Boucebci : Le médecin de la mémoire.
Il y a ceux qui creusent les blessures, de l'histoire algérienne et ceux qui veulent les guérir. Teric Boucebci appartient la seconde catégorie. Bien que son, père, le psychiatre Mahfoud Boucebci, protecteur des orphelins, des mères célibataires et de tous les humiliés, ait été assassiné par les ' intégristes le 15 juin 1993, ce jeune homme, thérapeute, criminologue et poète (1), est l'un des rares à délivrer un message d'espoir. Non pas le discours officiel de réconciliation avec les islamistes - «On ne peut pas, dit-il, guérir le Deuil par un décret d'Etat » - mais une vraie parole de solidarité.
Dans la fondation (2) qu'il a créée en hommage à son père, pleuré par 4 000 personnes à ses obsèques, Teric Boucebci soigne les enfants victimes de violences. Il les amène dans la lumière de Tipasa, bouleversé quand les gosses racontent que l'endroit pour eux, se résume à un lieu maudit où se cachaient les terroristes. Mais, émerveillé quand les ados, repris par la beauté des ruines face à la Mer, rassurés par les thérapeutes de la Fondation, se racontent enfin pour la première fois.
Jamais l'essai de Stefan Zweig : "Conscience contre violence", ne lui à semblé si actuel. La polémique sur Camus ? "On assiste en ce moment à un raisonnement d'exclusion. Nous deviendrons adultes le jour où nous accepterons que Camus fasse partie de la terre algérienne, non pas en manipulant la mémoire pour diviser mais en restituant la mémoire collective."
(1) Organisateur d'un des premiers "Printemps des poètes d'Alger"; il a lancé une revue, 12 x 2 Poésie contemporaine des 2 rives, qui publie des auteurs de tous horizons.
(2) fmboucebci@yahoo.fr
07:10 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : algérie, boucebci, médecin de la mémoire
10 mai 2010
Le "Crime économique"
Suite et fin des extraits d'une série de notes extraites d'un dossier publié dans Marianne de Martine GOZLAN envoyée spéciale à Alger.
Le « crime économique » des intouchables
C'est dit. Et par toute l'Algérie cette fois: de faux combattants dirigeraient le pays depuis 1962. Cette mémoire-là n'enflamme pas seulement les cercles d'intellectuels comme la polémique Camus, mais le petit peuple dans ses profondeurs. Blida, à 40 km de la capitale. Un vieil homme nous attend sur le seuil de sa maison. Le chauffeur de taxi sursaute en le reconnaissant, surpris et respectueux : « Mais c'est M. Mellouk que vous venez voir! Quel courage il a, celui-là! ".
Benyoucef Mellouk, 68 ans, dénonce depuis dix-huit ans le scandale des «faux moudjahidin », anciens agents de l'administration coloniale inscrits sur les listes d'anciens combattants de l'Armée de libération pour toucher indemnités et pensions. Parmi eux, une pléiade de magistrats. Mellouk a été condamné le 22 mars dernier à quatre mois de prison ferme pour divulgation de documents secrets. Il s'est pourvu en cassation, il a l'habitude: « En tout j'ai subi quatre arrestations et deux incarcérations. » Ancien chef du service du contentieux au ministère de la Justice, ce haut fonctionnaire avait été chargé de l'enquête, «pour assainissement », en 1978, avant la mort de Boumediene. Devant les révélations qui mettaient en cause des personnalités du régime, tous> lectuels comme la polémique Camus, mais le petit peuple dans ses profondeurs. Blida, à 40 km de la capitale. Un vieil homme nous att,end sur le seuil de sa maison. Le chauffeur de taxi sursaute en le reconnaissant, surpris et res¬pectueux : « Mais c'est M. Mellouk que vous venez voir! Quel courage il a, celui-là!".
Devant les révélations qui mettaient en cause des personnalités du régime, tous les présidents successifs ont voulu étouffer l'affaire. Sauf Mohamed Boudiaf, durant la brève parenthèse qui fait espérer toute l'Algérie en 1992.« A son arrivée, il appelle le peuple à l'aider à sortir le pays de la corruption, explique Benyoucef Mellouk, je réponds donc présent, en publiant, dans l'Hebdolibéré, 300 dossiers de faux résistants avec leurs noms. Je divulguais un crime économique: ces intouchables avaient trahi l'authenticité de la révolution algérienne. Voilà pourquoi la génération actuelle ne fait confiance ni à ce système ni à sa justice. »
« Au cœur de la lâcheté et de la trahison! »
Mohamed Boudiaf est assassiné le 29 juin 1992. Mellouk est licencié. On lui supprime salaire et droits civiques. Sa fille et son fils sont chassés de l'école publique. La famille survit grâce au salaire de son épouse. Ils tiennent, pourtant. Réunis tous les quatre dans leur maison de Blida, une maison d'autrefois, austère et belle, avec des mosaïques qui courent sur les murs, ils classent et reclassent les centaines de pages du dossier:
, « On était seuls, tous les partis politiques se sont dérobés mais la presse m'a soutenu. » Car c'est l'affaire la plus médiatisée d'Algérie. Elle fascine en mettant le mensonge à nu. Son dernier épisode est une brûlure pour le régime. Le 22 mars, en effet, à l'énoncé du verdict contre Mellouk, des femmes, indignées, ont refait la révolution au tribunal. Et quelles femmes! Les héroïnes de la guerre d'Algérie, celles qu'on appelle les «moudjahidate ». D'abord Djamila Bouhired, pasionaria de la bataille d'Alger, torturée et condamnée à mort, défendue par l'avocat Jacques Vergès, son futur mari, qui écrira avec Georges Arnaud le célèbre Pour Djamila Bouhired, première dénonciation de la torture. Ensuite Fettouma Ouzegane, autre intrépide incarcérée en 1957 et traduite devant la Cour de sûreté de l'Etat. Elles voulaient marcher sur la présidence. On en a dissuadé ces vieilles dames indignes. Alors, elles lancent un appel international pour le condamné.
C'est que «l'affaire Mellouk réveille tout! On est au cœur de la lâcheté et de la trahison! » martèle Fettouma Ouzegane dans son appartement. tapissé de portraits de chahidin, de « martyrs" dont « on a confisqué l'héritage, la révolution ». Des photos de héros dépossédés. Comme dans le local du RCD. Comme dans la tête de tous les Algériens. A 83 ans, elle a gardé l'œil vif et 'l'agilité de la combattante. Elle aussi prépare un livre: 1'Indépendance confisquée. «Je vais tout dire! » jubile-t-elle, tandis qu'en bas, rue Didouche-Mourad, coule le flot de la foule amère qui, à chaque génération, en a trop vu sans rien comprendre. « En 1962, nous les moudjahidates, nous étions jeunes, belles et innocentes. Mais les collabos avaient pris le pouvoir. Les véritables combattants étaient une petite poignée. Boumediene leur a dit : "Vous vous soumettez ou vous vous démettez. C'était la nuit des longs couteaux et elle dure toujours. Les hommes de ce temps avaient étudié dans les pays arabes, ils ont fait le choix d'une Algérie qui ne nous ressemblait pas! »
Décidément, tout craque. Tout s'explique, à tâtons, au fil des souvenirs et des procès. L'opposition, elle-même, est hantée. Loin de se mobiliser sur le chômage et la tragédie de l'éducation, elle se réfugie, comme le régime, dans l'écriture du passé. «Qu'ils cessent d'être des intellectuels pour devenir des politiques capables de rassurer la population! » résume Teric Boucebci. Archives inguérissables de là mémoire algérienne.
Car, près des facultés, attablé chez un de ces marchands de glaces où les jeunes filles commencent à revenir, Farid tempête:« Moi ,j'ai 25 ans et je veux sortir des archives! Vivre et aimer sans que l'histoire nous étouffe! L'Etat a gagné la guerre contre le terrorisme et on a cessé d'avoir peur. Tout ce qu'on lui demande, c'est de nous traiter en citoyens! Votre Camus, qu'est-ce qu'il a dit là- dessus? »
Voilà, la vraie révolution commence. _
Martine Gozlan.
07:04 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : algérie, printemps des poètes, mellouk
08 mai 2010
A chacun son pan de Mémoire
Suite des extraits d'une série de notes extraites d'un dossier publié dans Marianne de Martine GOZLAN envoyée spéciale à Alger.
A chacun son pan de mémoire
De toutes les guerres qui l'ont traversée, l'Algérie n'est toujours pas guérie. L'affaire de la « Caravane Camus » n'est qu'un des multiples symptômes qui couvent dans ce pays exsangue. A chacun son pan de mémoire. Le régime, pressé de faire diversion sur la crise sociale, a réactivé celle de la guerre France-Algérie. Il a laissé 125 parlementaires déposer le 13 janvier dernier, à l'initiative du député FLN Moussa Abdi, un projet de loi visant à « criminaliser la colonisation ». Pourtant, la rue s'en fiche, pressée de revivre après les années d'horreur - car le terrorisme est vaincu - et de survivre entre la hogra, l'injustice, la course aux dinars (le salaire moyen est de 150 €) et le rêve désespéré de l'exil. C'est parmi les jeunes qui se pressent au centre culturel fran¬çais qu'on mesure l'incapacité des apparatchiks à parler au présent, loin de cette guerre de libération d'il y a un demi-siècle qui les légitime et les rassure.
Le centre est encastré entre les façades tendues de linge d'une rue populaire d'Alger. En plein cœur de la ville et de ses tourments. Garçons et filles guettent l'ouverture du "Printemps des poètes", flirtent discrètement entre les ordinateurs, à l'abri des barbus qui ont perdu la bataille des maquis niais gagné celle des mœurs. Ici, il y a des guitares, des sourires, des voiles qu'on largue. Et surtout le dispositif « Campus France» : il permet d'espérer - mais pas trop - un avis pédagogique favorable à l'obtention d'un visa étudiant. Plus de 10 000 candidats en trois mois! Les files sont plus importantes qu'au consulat, des bus spéciaux arrivent de Bejaia, en Kabylie. Quand on a 20 ans dans l'Algérie de la galère, la France, c'est la grande évasion. Quand on en a plus de 60 dans l'Algérie des privilèges, la France, c'est l'alibi de la revanche-fiction.
Le retour du tiers-mondisme
Pourtant, même là-dessus, le pouvoir n'est pas d'un bloc, au contraire. Il y a ceux qui bétonnent la fermeture du pays, préfèrent clamer leur amitié avec la Libye, le Venezuela et l'Iran plutôt qu'avec l'ex-puissance coloniale. En exigeant des excuses de Paris, on affiche son dédain du modèle occidental, l'ancrage dans le choix arabe et islamique de Boumediene. C'est l'éternel retour du tiers-mondisme des années 70, quand la révolution algérienne était le cœur du Sud insurgé. Et puis il y a ceux qui rêvent d'ouvrir, imaginent une déferlante touristique vers les oasis rouges, supplient qu'on assouplisse les formalités d'entrée, s'associent avec Point-Afrique qui vient de lancer un charter Paris-Timimoun. Les mêmes, refusant décidément l'aimantation islamiste, autorisent ces jours-ci le tournage en Algérie du "Premier Homme", le film adapté du roman autobiographique et inachevé d'Albert Camus.
Seulement, comme les premiers s'échinent à barrer la route aux seconds, le pays reste tragiquement isolé. « Un bunker poststalinien qui a besoin d'agiter la menace d'ennemis extérieurs pour asseoir sa légitimité », lâche un opposant. L'historien Benjamin Stora résume le paradoxe dans son essai sur « les guerres sans fin» (Stock) : « Une sorte de devoir de mémoire, comme un ressassement s'est installé, entretenu par l'Etat, mais aussi dans la société algérienne, exprimant une inquiétude face à l'oubli et à ses dangers supposés. Le récit héroïque d'une guerre d'indépendance dans laquelle tous les Algériens auraient été unanimement dressés contre l'occupant français a servi à légitimer le nouvel Etat, à fabriquer du consensus national. »
Or ce consensus, déjà tant mis à mal par les années de guerre civile entre 1991 et 2000, puis par l'insurrection kabyle en 2001, achève de se lézarder. S'il y a aujourd'hui une mémoire vraiment à vif, qui exige réparation, c'est celle des Algériens vis-à-vis du régime qui les gouverne depuis 1962. Exécutions, massacres, liquidations internes de 1954 à 1965 : tout refait surface depuis quelques mois. L'écrivain Anouar Benmalek consacre son dernier roman, le Rapt (Fayard), au massacre en 1957 par le FLN des villageois de Melouza qui avaient le tort de rester fidèles à Messali Hadj, le père longtemps contesté du nationalisme algérien. Saïd Sadi, président du RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), le parti laïc, va publier une enquête sur le colonel Amirouche, figure de la révolution, tué par l'armée française mais dont Boumediene a séquestré la dépouille pendant vingt-deux ans ! Tendu, fiévreux, Sadi en relit les épreuves dans le local du parti, couvert des portraits des révolutionnaires tués les uns par l'armée coloniale, les autres par l'armée de leurs frères ! Pour lui, les liquidations inter algériennes préfiguraient les atrocités de la guerre civile, trois décennies plus tard. Au mur, Abane Ramdane, organisateur des premiers réseaux FLN, étranglé en 1957 au Maroc par ses compagnons et rivaux. Aux côtés de Saïd Sadi, le propre fils du colonel Amirouche, Nordine Aït Hamouda, vice-président de l'Assemblée et député RCD, exige: «Le gouvernement algérien doit demander pardon au peuple pour tout ce qu'il lui a fait subir ! En revanche, qu'on cesse de réveiller les vieux démons avec Paris! : "Ceux qui aujourd'hui veulent reprendre la guerre idéologique avec la France sont ceux-là mêmes qui ne l'ont pas faite en 1954 !»
Le colonel Amirouche (à g.), l'un des chef du FLN, tué en 1959 par l'armée française. Houari Boumediene s'acharna à « tuer sa légende en séquestrant sa dépouille », affirme Saïd Sadi, président du RCD, parti laïc d'opposition, dans son nouveau pamphlet.
07:09 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : algérie, printemps des poètes, tiers-mondisme
06 mai 2010
Des Pogrom antifemmes à Hassi-Messaoud
07:43 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : algérie, hassi messaoud, pogrom
04 mai 2010
Aux Sources du Mystère Algérien
07:42 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : algérie, stora