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03 février 2010

Les Enfants de la République

Les Enfants de la République

Ivan Jablonka

Sciences humaines / Sciences

Date de publication : 14/01/2010

EAN13 : 9782020908177

Les enfants de la République.jpg

 

 

 

Notre société est obsédée par les jeunes de cité. Cette peur sociale va de pair avec une ambition politique : assimiler à la nation les mineurs « mal nés ». Enfants naturels sous la Révolution, jeunes délinquants au début du XIXe siècle, enfants abandonnés sous la Troisième République, jeunes de banlieue aujourd’hui, tous sont condamnés à une réhabilitation physique et morale susceptible d’effacer leurs origines imparfaites.

Emblématique des idéaux républicains, matrice d’une francité qui se veut universelle, cette utopie intégratrice est l’une des plus anciennes politiques publiques en France. Elle revient de façon récurrente jusqu’aux crises contemporaines, dont elle porte une part de responsabilité. Car le « modèle français d’intégration » se révèle plutôt un contre-modèle, non seulement parce qu’il échoue à insérer les jeunes dans la société, mais aussi et surtout parce qu’il postule l’inégalité des individus.

Depuis les « bâtards » de l’an II jusqu’aux « racailles » des années 2000, l’État-nation démocratique s’est confronté à toutes les figures de l’altérité enfantine, qu’il a contribué à stigmatiser en voulant les sauver. C’est cette longue entreprise que retrace Ivan Jablonka, dans un ouvrage essentiel pour comprendre notre société actuelle.


Ivan Jablonka est maître de conférences au Collège de France et à l’université du Maine et rédacteur en chef du site laviedesidees.fr. Ce livre clôt un cycle de travaux qui, en se fondant sur les politiques de l’enfance et de la jeunesse, renouvellent l’histoire de l’État et de la République en France.

07:38 Écrit par Pataouete dans Les Quartiers | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : enfants de la république, jablonka

02 février 2010

Lily

 


 

Paroles - musique : Pierre Perret, 1977

On la trouvait plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalie, Lily
Dans un bateau plein d'émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris.

Elle croyait qu'on étaient égaux, Lily
Au pays d'Voltaire et d'Hugo, Lily
Mais pour Debussy en revanche
Il faut deux noires pour une blanche
Ça fait un sacré distingo.

Elle aimait tant la liberté, Lily
Elle rêvait de fraternité, Lily
Un hôtelier rue Secrétan
Lui a précisé en arrivant
Qu'on ne recevait que des Blancs.

Elle a déchargé des cageots, Lily
Elle s'est tapé les sales boulots, Lily
Elle crie pour vendre des choux-fleurs
Dans la rue ses frères de couleur
L'accompagnent au marteau-piqueur.

Et quand on l'appelait Blanche-Neige, Lily
Elle se laissait plus prendre au piège, Lily
Elle trouvait ça très amusant
Même s'il fallait serrer les dents
Ils auraient été trop contents.

Elle aima un beau blond frisé, Lily
Qui était tout prêt à l'épouser, Lily
Mais la belle famille lui dit nous
N'sommes pas racistes pour deux sous
Mais on n'veut pas de ça chez nous

Elle a essayé l'Amérique, Lily
Ce grand pays démocratique, Lily
Elle aurait pas cru sans le voir
Que la couleur du désespoir
Là-bas aussi ce fut le noir.

Mais dans un meeting à Memphis, Lily
Elle a vu Angela Davis, Lily
Qui lui dit viens ma petit' soeur
En s'unissant on a moins peur
Des loups qui guettent le trappeur.

Et c'est pour conjurer sa peur, Lily
Qu'elle lève aussi un poing nageur, Lily
Au milieu de tous ces gugus
Qui foutent le feu aux autobus
Interdits aux gens de couleur.

Mais dans ton combat quotidien, Lily
Tu connaîtra un type bien, Lily
Et l'enfant qui naîtra un jour
Aura la couleur de l'amour
Contre laquelle on ne peut rien.

On la trouvait plutôt jolie, Lily
Elle arrivait des Somalie, Lily
Dans un bateau plein d'émigrés
Qui venaient tous de leur plein gré
Vider les poubelles à Paris

07:02 Écrit par Pataouete dans Mes humeurs | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : racisme, lili, perret

01 février 2010

L'Algérie : L'Empire défait

 

Algérie : l'Empire défait.

Une méprise française. De 1830 à 1940, Pierre Darmon raconte l'histoire d'un dessein colonial qui a viré au cauchemar.

1940.jpgLa France n'a pas perdu l'Algérie en juillet 1962, à la proclamation de l'indépendance, mais vingt-deux ans plus tôt, en 1940. C'est la thèse audacieuse défendue par Pierre Darmon au fil du millier de pages "d'Un siècle de passions algériennes".

A la veille de la Seconde Guerre mondiale, la misère des campagnes, l'exode rural, la multiplication des bidonvilles, l'augmentation de la population musulmane dans les villes, le triomphe des inégalités et l'immobilisme de la classe politique scellent la disparition de « l'Algérie de papa».

Tout le monde l'ignore alors, sauf quelques esprits inquiets, à l'instar d'Albert Camus décrivant dans un reportage en Kabylie de 1939 le « cortège d'aveugles et d'infirmes, de joues creuses et de loques qui, pendant tous ces jours, m'a suivi en silence ». Sur le terrain politique, le fossé entre musulmans et Européens se traduit par l'éveil du nationalisme algérien, incarné par l'Etoile africaine de Messali Hadj et la radicalisation à droite des pieds-noirs. La Seconde Guerre mondiale accélère la décomposition. « Un peuple vaincu, humilié, occupé, colonisé et incapable de se libérer par ses propres moyens ne peut être un peuple colonisateur », note Pierre Darmon. Les pieds-noirs deviennent subitement inutiles. Lorsque la grandeur de la France dépend de l'empire, tout est permis. Quand ce n'est plus l'espace qui fait la grandeur d'un pays, mais la dissuasion nucléaire, ils sont condamnés à Ia valise ou au cercueil.

Des chapitres de cette somme éclairent des épisodes méconnus ou négligés : la Commune d'Alger, la révolte du bachaga Mokrani, l'explosion antisémite du tournant du siècle ...

L'un des plus novateurs traite de la « catastrophe démographique ». A la fin des années 1860, la mortalité atteint un pic de 17 % et la population totale passe de 2 900 000 habitants à environ 2 100 000 en moins de six ans. Toutes proportions gardées, cela représenterait une perte de 11 millions d'habitants dans la France d'aujourd'hui... Les responsables de cette hécatombe se nomment choléra, dysenterie, paludisme, sécheresse, sauterelles, combats pendant la révolte kabyle, mais aussi famines, pour les « indigènes » et eux seuls. La présence française en Algérie a failli s'achever en moins de trente ans dans un mouroir.

Un siècle de passions algériennes regorge de chiffres, notes, extraits d'archives et de récits de l'époque, parfois d'une étonnante hauteur, comme ceux du colon légitimiste Villacrose ou de l'interprète militaire mulâtre Ismaël Urbain. Pierre Darmon n'ignore rien du salaire journalier, de la production des oliviers, des malheurs des autruches, de la vie en garnison, des effectifs des maisons closes, du taux de remplissage des stations thermales, mais jamais les détails n'altèrent la fluidité du récit.

A vrai dire, on n'attendait pas sur l'Algérie cet historien spécialiste de la variole, du cancer et des malformations physiques, sorti de l'anonymat des chercheurs il y a vingt -cinq ans avec la publication du Tribunal de l'impuissance, récit édifiant des procédures de nullité du mariage aux XVI~ et XVIIIe siècles. Mais l'Algérie, c'est aussi l'enfance de ce fils d'Oran. Il y est retourné mentalement et a su conter avec passion et rigueur cette entreprise hasardeuse sur une terre dont Charles X ne savait que faire après le débarquement de ses troupes, à Sidi-Ferruch, le 14 juin 1830.

  • EMMANUEL HECHT (L'Express)

Un siècle de passions algériennes. Une histoire de l'Algérie coloniale 1830-1940, par Pierre Darmon.

 

07:04 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : algérie, darmon, empire défait