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20 décembre 2010

Je suis Emmanuel Audrain,

Audrain.jpgJe suis Emmanuel Audrain,

le réalisateur du film-documentaire "Le testament de Tibhirine", tourné en 2005

Mai 2010. Paris.

Quelques jours après le Festival de Cannes, les proches et les familles des moines, sont invités à découvrir Des hommes et des dieux, le film de Xavier Beauvois, qui vient de recevoir Le Grand Prix. "Nous aimerions vivre ce moment, avec toi, me disent les nièces de Paul ". Un saut dans le TGV (je vis en Bretagne) et me voilà au milieu de beaucoup de visages connus. Le film commence. Je suis d'abord troublé de ne pas retrouver les paysages et les lieux de Tibhirine (tournage au Maroc). Il me faut un peu de temps pour que chacun des comédiens incarne chacun des moines. Puis, la magie du cinéma opère. Deux heures durant, je suis emporté par un récit puissant et juste.

« Pourquoi sont-ils restés ? »

Moines_de_Tibhirine.png

Cette question, était le cœur de mon documentaire. La voici traitée, avec les moyens de la fiction. Le scénariste Etienne Comar et le cinéaste Xavier Beauvois ont fait un beau travail d'adaptation, de création. Peu de mots. Des chants et des visages « habités », font revivre les sept moines ... Avec leur cœur, leur foi et leurs mains nues, les voici confrontés à la violence. Celle des « frères de la montagne », celle des « frères de la plaine ". Résistants et solidaires malgré la peur, les moines bouleversent les spectateurs. Quand le film s'achève, ma voisine de droite, Annick (nièce de « Paul» ) jette un regard vers notre voisine de gauche, sa belle sœur Algérienne. Celle-ci, dit: « Ces moines ont tant aimé mon pays, qu'ils me donnent envie de le considérer à nouveau. Et de garder espoir! »

 

À l'issue de la projection.

Nous nous retrouvons tous avec émotion, autour d'Henry Quinson, le «Conseiller monastique » du film. C'est lui qui a proposé les différents psaumes et chants qui le ponctuent. Henry a connu plusieurs des moines, traduit et adapté le livre de l'Américain John Kiser« Passion pour l'Algérie ». La justesse de ton, du film, lui doit certainement beaucoup. Quand Annick lui demande : «Mais, d'où vient-il, ce film? », il répond, en se tournant vers moi:

- « Emmanuel, y est un peu pour quelque chose ...

C'est en découvrant son Documentaire « Le testament de Tibhirine », un soir très tard, à la télévision, qu'Etienne Comar, le scénariste, a été touché par cette histoire et a eu le désir d'écrire cette fiction. »

Je ne savais pas que mon travail avait été« l'étincelle » (ou l'étoile) qui a mis en route Etienne Comar. C'est bien.

Faire advenir "la deuxième histoire» de Tibhirine ...

La « première histoire » de Tibhirine, elle est connue de chacun de nous et du monde entier. Elle a fait la Une de tous les médias, en 1996 ( et encore aujourd'hui ). Il y est question de terreur, de Groupes Islamistes Armés, de Services secrets, de cercueils remplis de sable et de mensonges d'Etat. .. Cette histoire-là, s'attache bien peu aux moines. À chaque fois, je la trouve sinistre, désespérante. (Pourtant, la vérité doit être dite, « officiellement ». )

La "deuxième histoire" de Tibhirine,

Date_de_creation_du_monaster.pngCelle de l'amitié de ces moines pour ce pays d'Algérie et pour son peuple. Cette relation, tissée depuis des dizaines d'années, avec la patience du fil des jours, elle est Belle. Elle a failli passer inaperçue. L'actualité, dévoreuse d'événements, va si vite. Sans « le testament » de « Christian », cette seconde histoire aurait-elle été soupçonnée? Aurait-elle été entendue? C'est, huit jours après l'annonce de leur mort, que « le testament» est publié dans La Croix, puis dans toute la presse. Je le découvre dans mon journal de tous les jours. Je le lis, le relis. Étonné, bouleversé. Un homme, aujourd'hui disparu, me parle de ses choix de vie. Comme il me touche, son amour inconditionnel pour l'Algérie et les Algériens. Son respect pour l'Islam. Son pardon, offert ... Avec ce texte, Christian et sa communauté viennent de reprendre la parole, et aussi simplement qu'ils avaient vécu, ils donnent les clés de leur présence, en ces lieux et ces temps, si troublés. Soudain, j'éprouve de la gratitude pour ces sept moines (à l'époque, je suis bien loin de penser que cela me conduirait à réaliser « Le testament de Tibhirine » ).

Deux ans plus tard. juillet 1998.

C'est au Pèlerinage islamo-chrétien de Vieux-Marché (toujours en Bretagne ), que je rencontre la sœur et le beau-frère de "Célestin ". Ils connaissent bien Tibhirine, pour y être allés plusieurs fois. « Viens nous voir, à Nantes. » Ce que je fais. Ils aimeraient que je réalise un film sur Célestin. L'homme est attachant. Pourtant, ce qui me captive dans leurs propos, c'est tout ce qui concerne la vie de "la communauté ". Les liens avec le village de Tibhirine. Les liens des moines, entre eux. Je découvre des personnalités fortes, traversées de tensions et d'oppositions. Leur unité, elle se fonde sur leur attachement à ce pays et à leurs voisins. Désormais, je comprends mieux pourquoi ils sont « restés ".

Sur le pas de leur porte, quand je les quitte, ils ont bien perçu mon désir de film et me disent : « La famille de Michel est toute proche, l'Abbaye de Bellefontaine, aussi. La maman de Christophe, guère plus loin. » C'est ainsi que je commence un tour de France des familles et des monastères. Vendôme, Rennes, Bordeaux, Aiguebelle - Montélimar, Thonon, Paris.

J'écris un premier projet de Documentaire « Rester à Tibhirine ", qui devient assez vite « Le testament de Tibhirine ». Nous sommes en 2000. Gilles Padovani, mon producteur, le propose aux responsables des différentes chaînes de télévision. Sans succès. On lui dit: « Cette histoire n'intéresse qu'un tout petit public. Par contre, il y a une enquête à faire sur les GIA, les rivalités entre services secrets ... » Merci bien. Ce n'est pas notre projet. (Finalement, c'est l'approche du "dixième anniversaire" - 2006, qui décide une chaîne du Service public à entrer en coproduction.)

Automne 2004. Premier tournage en Algérie.

Portraits_des_frères_de_la_cté_de_Tibhirine_Midelt_Maroc.jpgLe neveu de Frère Luc m'accompagne, il me montre le chemin. J'ai choisi de filmer seul, discrètement. En 2005, je fais deux autres séjours. 48 jours, en tout. C'est beaucoup. Sur un plan économique, ce n'est pas raisonnable, mais je souhaite tellement recueillir la parole des "voisins" et amis algériens des moines. Je commence plusieurs tournages à Alger, Tibhirine, Médéa. Je sens qu'il me faut du temps. "Je vais revenir ", dis-je à chacun. Et je reviens. Mais, mes différents témoins se récusent, les uns après les autres. L'un me confie: « Parler de cette " décennie sanglante " ( les années 90 ) dans un film qui va passer à la télévision, c'est se mettre en danger. " (J'avais deviné).

Mon "témoin algérien", c'est en France que je le découvre. Rachid, le mari d'Annick, une des nièces de "Paul", est Algérien. Avec leurs trois jeunes enfants, ils vivent à Thonon-les-Bains. Le tournage se fait en plusieurs étapes, et Rachid (aux côtés d'Annick) trouve les mots pour dire combien le séjour qu'ils ont fait à Tibhirine, a marqué leurs vies. Les moines parlent l'arabe et connaissent mieux que lui, l'Algérie et l'Islam. Il est bouleversé de l'intérêt que ces hommes d'âge mûr, portent "à un jeune Beur". "C'est eux, dit-il tranquillement, qui m'ont le plus donné ".

Lentement, en les voyant vivre, j'ai compris qu'on peut être "grand", autrement que par le fric, la violence ou "la sape". Ils m'ont ouvert un avenir... La qualité du cœur, la droiture. L'honnêteté. "

En 2006, mon documentaire est diffusé sur France 3 ("Tard dans la nuit" - effectivement).

« Le testament de Tibhirine" capte l'attention d'Etienne Comar, scénariste. La suite est connue. Le cinéaste Xavier Beauvois y a ajouté tout son talent. Et aujourd'hui, "Des hommes et des dieux" rencontre un public de plus en plus large.

"Le testament de Tibhirine", pour sa part, continue sa route à travers l'édition DVD et de nombreuses Projections-débats. Les deux films - qui reviennent sur les mêmes faits - s'enrichissent mutuellement. Belle surprise.

La « deuxième histoire" de Tibhirine se poursuit. C'est bien.

 

Lorient, 2010 emmanuel.audrain@orange.fr

Le testament de Christian.

Vous pouvez l'entendre dans ce DVD.

Vous le retrouverez aussi, sur le site du Film: www.letestamentdetibhirine.com

Commentaires

Je viens de lire " le site du Film " des hommes magnifiques....

Merci Yves et merci à Emmanuel Audrain

Écrit par : noelle | 20 décembre 2010

Oui Noëlle, c'est bien pour cela que j'insiste...

Écrit par : Z'Yves | 20 décembre 2010

Ce testament est passé inaperçu ? tu connaissais ? très émouvant de se replonger parmi eux

Écrit par : noelle | 20 décembre 2010

le testament, mercredi...
Non je ne connaissais pas, merci le petit ramoneur Savoyard !

Écrit par : Z'Yves | 20 décembre 2010

Paul de Savoie ! Oui j'avais déjà lu une note le concernant il y a quelques mois....

Écrit par : alsacop | 20 décembre 2010

Bonsoir!

Écrit par : alsacop | 21 décembre 2010

Hier soir Lonsdale était à la cathédrale de Strasbourg......

Écrit par : alsacop | 22 décembre 2010

Les deux films sont complémentaires...
Si le film de Xavier Beauvois est émouvant celui d'Emmanuel Audrain est le plus intéressant car il explicite encore davantage les motivations des moines...
En fait ils se sentaient tous ayant une dette avec l'Algérie.
J'ai beaucoup aimé dans les témoignages, le couple Boutit : lui est un jeune beur qui a eu l'occasion d'aller à Thibirine, elle, est une nièce d'un des moines (le Chablaisien !) ...et ils se sont mariés...

Écrit par : Rosa | 22 décembre 2010

Je ne parlerais pas dette, mais d'amour du pays, Christian y était né, et de mission, dans tous les sens du mot.Je n'y vois pas un acte de contrition mais de poursuite.
Encore une fois, je suis frappé de la qualité de l'œuvre accomplie par le Clergé qui transpire d'humanité et d'humanisme en Algérie.
Mais j'ai aussi connu des aumôniers militaires parachutiste...

Écrit par : Z'Yves | 23 décembre 2010

bonjour Emmanuel, c'est Andrée Guyonnet que tu as connu à l'unité de soin palliatif de l'hopital universitaire de paris en 1992. Te rappelles-tu de moi ? Si oui, je te laisse mon numero de telephone : 04 77 93 10 34 .
Amicalement.
Andrée

Écrit par : guyonnet | 30 décembre 2010

désolé mais je ne suis pas Emmanuel mais je lui transmets votre message

Écrit par : Z'Yves | 30 décembre 2010

bonjour emmanuel..c est marie-anne vous souvenez vous de moi ..j aurais aimer vous envoyer un message priver..pour vous demander des renseignements concernant votre maman je vous remercie ...vous faites de tres beaux reportages ...je n ai jamais oublier votre famille ....marie-anne

Écrit par : poulingue | 07 novembre 2011

Poulingue vous avez le mail d'Emmanuel Audrein dans le texte de la note : vous pouvez le contacter directement

Écrit par : Rosa | 11 novembre 2011

Emmanuel .
Je suis Jeanlin de l'île d'YEU, Je voudrais avoir une conversation tel avec toi mon N° 0674904842
Merci.

Écrit par : HENRY Jeanlin | 13 janvier 2013

Yves ne pourra malheureusement pas vous contacter il nous a quitte en septembre 2011, je laisse ce blog actif mais je n ai pas de réponse a vous fournir merci de votre visite il aurait été heureux de pouvoir converser avec vous. Cordialement

Écrit par : Germaine | 20 janvier 2013

Le nouveau film d'Emmanuel Audrain, Retour en Algérie, vient de sortir en DVD. Il évoque un voyage d'anciens soldat français en Algérie, dans une démarche de paix.
Voir le site web http://www.retourenalgerie-lefilm.com/

Écrit par : Retour en Algérie | 05 septembre 2014

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