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25 mars 2011

Le Camp de Lodi, la pétition

Afin de terminer ce cycle hebdomadaire, je vous propose la Pétition.

 

Il y a aussi cette pétition qui claque dans le silence de la salle de lecture. Elle est adressée au ministre résident d'Alger.

 «Nous sommes-vous le savez sans doute - cent quarante assignés à résidence surveillée au Centre d'hébergement de Lodi,  d'origines différentes, de toutes confessions, de toutes opinions politiques. "Assignés à résidence", "Centres d'hébergement" autant d'expressions très approximatives, vous le savez aussi, puisque nous sommes obligés de vivre dans des bâtiments gardés par des militaires armés, entourés de barbelés, puisque notre courrier est censuré. Les visites sont limitées à une heure par mois, et en présence d'un policier, dans des conditions pires que celles faites aux détenus, prévenus ou condamnés, politiques ou de droit commun.

Nous ne pouvons nous laisser imposer un pareil régime sans protester solennellement contre cette atteinte à notre dignité, véritable violation de la loi et aussi de nos droits les plus sacrés ... »

 

Tous les prisonniers de Lodi ont signé. Les cent quarante. Des pères et leurs fils, des frères, des mineurs, des vieillards.

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21 mars 2011

Le Camp de Lodi le Diaporama

Comme vous le savez, Pataouète se veut la voix de tous les Français d'Algérie qui ne reconnaissaient pas le colonialisme et luttaient pour une reconnaissance des Peuples Indigènes. Mes différentes notes relatant le Camp d'Internement de Lodi font parti de celles qui ont été les plus lues et m'ont données la joie d'être contacté par des enfants d'internés.

J'ai désormais regroupé ces notes sous le chapitre : Algérie, le Camp de Lodi.

Nous avons partagé des photos souvenirs de ce camp. Bien sur, on photographie rarement le mauvais, il va donc s'agir de regroupements dans la cour ou de groupes, d'équipes, participant à des activités de loisirs organisés par les détenus. Il ne faudra pas pour autant considérer qu'ils sont en Colonie de Vacances, c'est loin d'être le cas.

Cette semaine, je consacrerais mes notes à ce Camp de Lodi. J'ai regroupé toutes les photos proposées dans un diaporama, les photos défilent toutes les 5 secondes, mais si vous le souhaitait, en cliquant sur la photo vous pourrez l'agrandir et prendre tout votre temps si vous pensez pouvoir reconnaitre quelqu'un. Si vous connaissez quelqu'un n'hésitez pas à laisser une trace dans les commentaires.

Enfin, j'ai aussi souhaité illustrer ces Photos par des extraits de textes présentés par Nathalie Funes dans son livre "Mon Oncle d'Algérie".

 

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Fernand arrive à Lodi dans la soirée du 6 février 1957. Il a fait la route d'Alger sur les bancs du camion bâché, les mitraillettes de deux militaires pointées sur lui. Une demi-journée de trajet, à travers les gorges de la Chiffa et le Ruisseau des Singes. Avec la trouille au ventre. Les fellaghas sont partout. Prêts à fondre sur les convois militaires qui leur semblent les plus vulnérables. S'ils attaquent, Fernand le sait, il sera massacré comme ses gardiens.

Lodi est une ancienne colonie de vacances de la compagnie des Chemins de fer algériens. Les bâtiments blanchis à la chaux du « Petit cheminot de la montagne» sont un peu délabrés. Trois dortoirs, une courette, un terrain de sport défoncé ... Mais des fenêtres, on aperçoit les forêts de chênes et les monts enneigés du Titteri. À l'automne 1955, les barbelés ont commencé à grimper autour des baraques. Un officier de la police judiciaire s'est installé dans le fauteuil du directeur. Une vingtaine de gendarmes mobiles, de CRS et de bérets rouges monte désormais la garde, jour et nuit. Et dans les dortoirs, il n'y a plus de fils de cheminots mais des instituteurs, des avocats, des médecins, des dockers, des électriciens, des plombiers, un sous-préfet de rang qui s'occupait des réceptions au gouvernement général d'Alger, des tuberculeux, des cardiaques, des handicapés, des mutilés ...

Tous suspects, comme Fernand, de sympathie ou de soutien à l'indépendance algérienne. Tous enfermés sans être passés par la case justice. Ceux qui ne sont pas venus à Lodi en camion militaire, mais en train, au départ des gares d'Alger ou de Blida, sont montés dans les wagons sous les huées. Les autres passagers les ont traités d'assassins, de terroristes. Dans l'Algérie en guerre, il n'y a pas pire espèce qu'un pied-noir anticolonialiste.

En mai 1958, quand le général Massu va former un Comité de salut public, que des milliers de manifestants forceront les grilles du gouvernement général d'Alger et se précipiteront dans le grand bâtiment blanc, la foule hurlera: « Vive l'Algérie française! » «Non à l'indépendance! » Mais aussi: «En route! Tous à Lodi! » Le directeur du camp mettra alors son costume sombre et convoquera les prisonniers dans la cour centrale, sous le soleil ardent. Pour leur annoncer qu'un car de CRS, venu d'Alger, doit arriver afin de renforcer la surveillance, mais qu'en attendant, par sécurité, il vaut mieux rester enfermé dans les dortoirs. Les internés, la chemise chiffonnée, le menton mal rasé, écouteront sans se faire d'illusions. Ils ne donnent pas cher de leur peau si les ultras de l'Algérie française débarquent les armes à la main.

À Lodi, l'ennui tombe sur Fernand dès son arrivée. Avec des journées qui semblent ne jamais devoir finir. Des soirées où il faut rester enfermer à double tour, dès 20 heures, agglutinés à cinquante par dortoir, dans les relents de sueur et de linge sale. Les visites des familles sont rares. Clarisse ne vient presque jamais le voir. Le voyage est trop éprouvant. Pour passer le temps, les prisonniers improvisent des cours (français, russe, arabe, mécanique, histoire, rédaction, philosophie, économie politique, calcul. .. ), montent des conférences sur la tragédie grecque ou le cortex, bricolent des pièces de théâtre, Knock de Jules Romains, Topaze de Marcel Pagnol, organisent des tournois de ping-pong, de volley-ball, de pétanque, lisent et relisent les mêmes livres. Beaucoup restent couchés toute la journée.

Les lectures sont surveillées comme le lait sur le feu. Le courrier personnel est épluché.

Fernand est tout de suite repéré. Il écrit régulièrement à un musulman, Mohamed Fares, qui habite la Casbah, à Alger, considérée par l'armée comme infestée d'indépendantistes, et à des enseignants du collège Petitjean, au Maroc, jugés suspects eux aussi. Lui, qui ne peut se passer de sa lecture quotidienne du Monde, est malheureux comme les pierres. La plupart des journaux sont bannis, les radios, traquées, les livres, soigneusement sélectionnés. Le directeur du service central des centres d'hébergement à Alger a interdit de séjour à Lodi Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, La Tête des autres de Marcel Aymé, Les Grandes Familles de Maurice Druon, et même La Peste d'Albert Camus. Camus, l'écrivain du pays, celui qui, dans quelques mois, en octobre 1957, va recevoir à Stockholm, en Suède, le prix Nobel de littérature.