30 mars 2011
Les braves gens n'aiment pas qu
En avril 1953, René Fallet, chroniqueur au " Canard" et romancier, entend à la radio " Le parapluie ", chanson d'un débutant qui vient juste de sortir son premier 78 tours. II file illico aux Trois Baudets, où se produit l'artiste, en revient ébaubi, et pond dans « Le Canard" (29/4/1953), sous le titre «Allez, Georges Brassens ! », un article qui commence ainsi :
« Il ressemble tout à la fois à défunt Staline, à Orson Welles, à un bûcheron calabrais, à un Wisigoth et à une paire de moustaches.
Cet arbre présentement planté sur la scène des Trois Baudets est timide, farouche, suant, mal embouché et gratte une guitare comme l'on secoue les grilles d'une prison.
Georges Brassens - "Le Canard", s'il ne le saluait pas, ne serait pas "Le Canard" - est un bon gros camion de routier lancé à toute berzingue sur les chemins de la Liberté. On souhaite à ce véhicule d'éviter jusqu'au bout les dangers de ces pavés d'or sur lesquels se sont déglingués tant de talents, tant de franchises. »
Et de noter que Brassens fait plus que déranger, il scandalise :
" Les trois quarts de ses chansons (les plus vaches) sont interdites à la radio. Ce n'est pas sur la chaîne parisienne que vous entendrez "Hécatombe", sombre histoire de gendarmes lapidés ("Moi, j'bichais car je les adore sous forme de macchabées", chante ce justicier) par les ménagères de Brive-la-Gaillarde, et qui se termine par ces mots :
"Ces furies, qu'à peine si j'ose
Le dire tellement c'est bas,
Leur auraient même coupé les choses
Par bonheur ils n'en avaient pas !" »
Notons qu'aujourd'hui encore des rappeurs se font condamner pour moins que ça : appeler à transformer les gendarmes en macchabées, les honnêtes gens n'aiment pas trop ...
« Cet homme est dangereux, conclut Fallet. C'est un poète, un drôle de client pour les roucouleurs. En avoir ou pas? Il a choisi. »
Fallet et Brassens deviendront amis à la vie à la mort. Et signeront, peu après le décès de Brel, qui déclenche un affreux déballage médiatique, ce pacte :
« Il est entendu entre René Fallet et moi-même qu'à la mort de l'un ou de l'autre le survivant se refusera catégoriquement - et quelles que puissent être les sommes proposées - de parler en public du "cher disparu".
Fait à Paris, le 24 novembre 1978. »
L'anar, le «foutrement moyenâgeux », le pornographe du phonographe est le (mauvais) sujet d'une (bonne) exposition à la
Cité de la musique, à Paris, du 15 mars au 21 août.
07:47 Écrit par Pataouete dans Musique | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : brassens, fallet, expo brassens
Commentaires
Un vrai bonheur de lecture car Georges bRassens a bercé une partie de mon adolescence, j'adorais ces chansons et il est l'un de ceux qui m'a doné envie d'apprendre à jouer de la guitare
Écrit par : Jipes | 30 mars 2011
Je l'aime ! depuis mes 12 ans...
Ce matin , "chez moi " La Jeanne...une de mes préférées
Écrit par : noelle | 30 mars 2011
Je suis né 4 ans après sa mort mais je suis un grand fan depuis plus de dix ans, un véritable amour de jeunesse qui ne perd ni sa fermeté de cuisse ni son doux cri de majorette.
Et puis l'article de René Fallet dans le "Canard" est un modèle du genre, une vraie perle.
Écrit par : olivier | 23 octobre 2011
Ce soir, j'ai aimé "Brassens est en nous" un documentaire avec photos d'archives et chansons
Écrit par : noelle | 24 octobre 2011
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