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04 septembre 2010

Les Bons comptes font les vrai fromages

Le Gruyére restera Suisse !

C'est la revanche sur Marignan. Souvenons-nous. Réputés  invincibles, les redoutables mercenaires suisses à la solde des Milanais furent vaincus  par les troupes franco-vénitiennes lors de cette bataille dont la date est à tout jamais gravée dans notre mémoire nationale : 1515.

Le soir même, au sommet de sa gloire, François 1er était fait chevalier par Pierre du Terrail, dit Bayard. Il est fort probable que la soldatesque helvétique comptait quelques solides gaillards provenant de la Gruyère, jolie vallée du canton de Fribourg au cœur de laquelle se dresse fièrement le village médiéval de Gruyères, évolution de gruinheier, qui signifie « pays vert» dans l'ancien parler germanique local. C'est la patrie d'une célèbre variété de fromage de montagne, qui, par extension, est devenue  la définition générique de nombreuses pâtes pressées cuites.

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Les professionnels ont ainsi l'habitude de dire que le comté et le beaufort, produits en France, mais aussi le fribourg et l'appenzeller, produits en Suisse, sont des « gruyères ». Par déformation, on s'est mis à appeler gruyère tout fromage un peu dur avec des trous. Idem pour l'emmental, autre fromage suisse de la vallée de l'Emme présentant de superbes alvéoles de fermentation, mais dont on utilise le nom pour tout et n'importe quoi. Profitant de cette confusion, les industriels laitiers se sont emparés des deux noms pour fabriquer à la chaîne des caricatures de plâtres plastifiés dont les orifices béants font surtout la joie de la souris Jerry et le malheur du chat Tom dans le célèbre dessin animé de William Hanna et Joseph Barbera.

Alors, le gruyère doit-il avoir des trous?

Non! En tout cas pas le vrai, qui est une délicieuse pâte pressée cuite au lait cru de vache. Fâchés par tant d'amalgames et de galvaudages, soucieux de préserver l'authenticité de leur fromage, les producteurs suisses ont obtenu une AOC en juillet 2001, ce qui n'est que justice. C'était compter sans la mauvaise foi des Français, qui, fort peu légitimement, s'en  sont également octroyé une, en mars 2007. Aussitôt, le Syndicat interprofes sionnel du gruyère suisse ~ contestait cette mesure ~ devant la Commission  européenne, dont dépend désormais, et il faut s'en plaindre, la décision finale en matière d'appellation d'origine.

Pour le coup, la Commission a tranché dans le bon sens, signalant aux Français que leur dossier ne tenait pas la route. Il n'y a pas de gruyère en France et il n'y en a pas besoin, la noblesse de nos pâtes cuites n'étant plus à établir. Beaux joueurs, les Français ont renoncé d'eux-mêmes à l'AOC pour se rabattre sur une IGP, laissant à la Confédération helvétique la paternité exclusive du gruyère. Et ce n'est que justice !

Cinq siècles pour faire la paix, ça méritait bien que l'on fasse un petit trou dans nos fromages !

 

D'après un article de Périco Légasse dans Marianne n° 697

07:30 Écrit par Pataouete dans Mes Vins pour le plaisir | Lien permanent | Commentaires (0)

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