07 mars 2009
44 jou' kont Pwofitasyon
Avant d'aborder mes humeurs sur les évènements récents de Guadeloupe, je tiens à préciser qu'après 2 voyages aux Antilles françaises nous avons décidé que notre destination serait, exclusivement, Les Saintes, petit archipel au large de la Basse Terre de Guadeloupe.
Je détaillerais notre dernier séjour dans un prochain article mais je dois quand même dire, avant de parler de Gwada, que nous y avons passé, encore une fois un merveilleux séjour et que nos hôtes ont développé des trésors d’imagination pour que nous ne manquions de rien.
Découverte du conflit
Malgré quelques brefs échos avant notre départ, nous avons trouvé sur place une ile plus calme qu’à l’accoutumé concentré sur les écrans de télé qui diffusaient, en direct et sur toutes les chaines locales (3) la première réunion de négociation.
Dans un grand hall d’expo, chaque partenaire, à tour de rôle détaillait son point de vue. Au bout de 3 jours de ces palabres, bien sur, aucune avancée. Le préfet, quitte la salle en déclarant, « bon, moi j’ai du travail ».
Ambiance générale
Alors que nous avions connu de nombreux conflits sociaux en Guadeloupe, tous ponctués de barrages routiers, de pneus enflammés, de parfum de lacrymogènes et d’intervention policière, cette fois nous avons côtoyé un mouvement déterminé, pondéré, encadré…
Il y a bien longtemps que j’avais vécu, si tant est que j’en ais déjà vécu, un mouvement aussi déterminé et organisé. J’ai, enfin, entendu parler de : Lutte des Classes, de monde ouvrier, de profiteurs, de partage équitable des richesses, d’égalité.
Bien sur l’arrivée, tardive, de ce pôvre Yves Jégo et son « je ne partirais d’ici que lorsque nous aurons trouvé une solution à ce conflit » a relancé un débat haut en couleurs. Et puis, cette fameuse journée « conclave » ou nous ne nous séparerons qu’une fois un accord conclut et Jégo qui prend la poudre d’escampette et laisse face aux représentants des gendarmes ayant endossé leurs plus beaux atours de carnaval « tortue ninja » et là, tout a basculé.
Liyannaj Kont Pwofitatyon
Comme il est dérangeant ce mot créole, la plupart de ceux qui évoquent cette affaire, se bornent aux initiales L.K.P. Ceux qui donnent une signification fournissent une traduction : Collectif contre l’exploitation outrancière.
Ce que veut dire Pwofitatyon c’est bien autre chose : la description d’un système où le profit est devenu à ce point dominant qu’il écrase tout sur son passage. Ces prix scandaleux, cette discrimination à l’embauche, cette exploitation du foncier, cette économie en coupe réglée ou 1 % de la population contrôle 40 % de l’économie.
L’écrivaine guadeloupéenne Gerty Danbury le dit : « La pérennisation d’un système de domination d’une caste sur un plus grand nombre - à savoir, osons le mot : le peuple. »
Ce qui ce passe en Guadeloupe n’est pas une affaire locale, exotique. Elle déborde de l’ile elle a du coffre, du souffle, de l’ampleur, de l’énergie, une détermination. Il y a des myriades de compétences, de talents, de créativités, de folies bienfaisantes, qui se trouvent en ce moment stérilisés dans les couloirs de l’ANPE et les camps sans barbelés du chômage structurel né du Capitalisme.
Extraits de l’article de Jean-Luc Porquet le Canard Enchaîné du 25 février.
En fait le LKP existe depuis un an. Il est formé à partir de la plupart des mouvements sociaux-culturels de la Guadeloupe.
Lutte des castes ?
La société guadeloupéenne est fondée sur le système colonial. Les colons, fils puinés de la noblesse française et européenne, armaient des bateaux sur lesquels ils accueillaient des volontaires à l’immigration, paysans, artisans, ouvriers, pêcheurs,…. Ces équipages débarquaient sur des territoires vierges confiés par la France. Deuxième étapes, achat d’esclaves qui allaient fournir la force de travail. Pendant la période esclavagiste, l’enfant issu d’esclave appartenait au patron de la mère. Ce qui explique surement cette société matriarcale.
Lors de l’abolition de l’esclavagisme, les propriétaires d’esclaves furent indemnisés par le gouvernement français donc se firent encore une richesse sur le dos des esclaves. La plupart des esclaves restant sur la propriété et passant à l’état de servage, guère plus enviable.
Les colons formèrent la caste des Békés. Même si elle est aujourd’hui matinée de quelques rares mulâtres ou nouveaux émigrants asiatiques ou moyen-orientaux arrivés avec une fortune déjà établit, c’est cette caste qui dirige l’économie du pays.
La castes des neg’ d’origine africaine très variée, elle constitue la majeure partie du peuple guadeloupéen. Après une dizaine de génération on peut parler d’une population mulâtre, métissée, d’autant qu’il y a eu ensuite une belle immigration asiatique populaire.
Une dernière caste, celle des « Petits Blancs », ces européens accompagnant les colons et qui ont fait leur place sur les iles. Certains ont construit un capital intéressant qui les a fait passer dans la caste de Békés, même s’il n’est pas sur qu’ils y soient bien accueillis. D’autre ont gardé leur condition d’origine, paysans, pêcheurs, artisans, on les retrouve principalement dans les Hauts Fonds, au dessus de PàP. Mais aussi dans les iles du sud. Rare sont les familles qui ne soient pas métissés mais le teint, la couleur de yeux, des cheveux, tirent sur le type blancs européen.
Ces dernières semaines ils m’ont fait penser à ce peuple « français d’afrique du nord » un peu perdu beaucoup écartelé entre leurs origines, leur couleur, et le contenu de leur portefeuille.
La désinformation :
J’ai essayé de prendre connaissance de ce conflit par tous les modes d’informations, nationaux et locaux à notre disposition. Une fois de plus, mais cette fois de l’intérieur, j’ai pu constater le désastre de la désinformation ou de l’information orientée.
Les leaders du LKP sont marginalisés, voir ridiculisés, le MEDEF pérore, les élus sont à la hauteur de leur réputation. Certains faits ou méfaits sont montés en épingle, on a capturé un gamin de 11 ans sur un barrage, oui mais combiens d’adultes manifestent. Le syndicaliste abattu en pleine nuit par des gamins en révolte. Aujourd’hui il s’agirait d’un gars de 35 ans, voyou connu des services de police. Est-ce un hasard si les victimes, parfois dramatique, de ce conflit sont toutes des syndicalistes connus. Qui a armé le bras qui à lâchement assassiné Jacques Bino ? Est-ce un hasard si la grosse bavure policière visait un autre responsable syndical ? Une chanson m’est venue à l’esprit : « Radio-Paris ment, Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand. »
Et maintenant :
Alors là c’est une autre histoire. D ‘un débat sociétal fondamental, on a surtout retenu les 200 €. Mais que seront 200 € si les prix continuent de monter ?
Dans quel état la société guadeloupéenne va t’elle sortir de cette crise, mais en est elle sortie ?
La participation encore accrue de l’état ne va-t-elle pas accroitre encore la dépendance économique à la métropole ?
Aura-t-on mis fin aux discriminations ?
Les autres DOM ont repris le flambeau mais pour quels résultats ?
La situation en métropole, et en particulier dans les quartiers populaires, n’est elle pas analogue à celle des DOM ?
Restons à l’écoute…
18:22 Écrit par Pataouete dans Mes humeurs | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
Depuis quelques semaines je découvre, j'écoute, je regarde, je lis....avant d'avoir un avis il me faut comprendre !
Merci pour ces premières explications, capitaine !
Écrit par : alsacop | 06 mars 2009
Merci Yves pour ce billet
Ils ont réussis à se faire entendre ,et à tenir, belle énergie
Entendu souvent "nous sommes les enfants de la résistance à l'esclavage"
La réunion prends le flambeau, on aura quelques infos par Xavier, ( le dernier à monter à bord de l'Utopie), il habite La Réunion
Bonne soirée, c'est plutôt bonne nuit....
Écrit par : noelle | 07 mars 2009
J'apprécie ton analyse mais pour être passée par Haïti j'ai du mal à prendre au sérieux les souffrances de la Guadaloupe....
Écrit par : Rosa | 08 mars 2009
Quel plaisir de t'accueillir "Rosa kié revenue"
Pour la comparaison avec les autres iles indépendantes de l'arc caraïbe il est évident qu'il n'y a pas photo.
C'est toute la différence entre les politiques coloniales anglo-espagnol et française.
C'est bien pour cela que l'on ne parle plus trop d'indépendance à la Gwada.
Cela étant là comme dans la plupart des quartiers "difficiles" on voit les limites de "l'Etat Providence"
Écrit par : Yves | 08 mars 2009
Yves
Si tu repartais chez Alsa?
Écrit par : noelle | 08 mars 2009
Ce qui me dérange chez les Guadeloupéens, ce ne sont pas leurs revendications mais leur hargne contre les Français métropolitains, leur discours pas leurs actions.
Écrit par : Rosa | 08 mars 2009
Même si les 2 îles n'ont pas beaucoup de rapport, je reste curieux de l'expérience d'Yves car je veux comprendre ce qui me semble inévitable.
Mais j'attends aussi les découvertes de Rosa...Nous avons là la chance d'avoir des avis directs "d'étrangers" qui viennent de visiter 3 endroits.
Merci à vous !
Écrit par : alsacop | 08 mars 2009
@ Rosa,
je ne crois pas que l'on puisse parler de haine contre les blancs métro.
Il y a par contre surement une rancoeur profonde du Blanc qui a esclavagisé leurs aieux, tiré profit financier de l'abolition et continué à asservir les descendants.
Mais ils font facilement la différence entre les békés patrons et profiteurs et les métros qui viennent bronzer et boire du Rhum (coquine va !)
Écrit par : Yves | 09 mars 2009
Sans rapport...
C'est marrant qu'il y ait une pub pour la génélogie au sommet de ta page...
Écrit par : Rosa | 09 mars 2009
@ Rosa
effectivement, c'est le logiciel que j'utilise principalement mais je suis toujours bloqué sur mes aieux nés en France étonnant non !
Écrit par : Yves | 10 mars 2009
juste coucou je zizute mais pas de comms le temps ne suffit pas/plus...
bonne fin de semaine
Écrit par : Doume | 13 mars 2009
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