13 novembre 2009
Vie et mort des jours heureux
Décidément c’est difficile d’être gai par les temps qui courent. Je me sens obligé de vous indiquer le film de
Gilles Perret :
« Walter retour en résistance ».
L’article que Jean-Luc Porquet lui a consacré dans « Le Canard » me parait bien révélateur…
Vie et mort des jours heureux
Bien sûr, il y a cette séquence incroyable où l'on voit Sarkozy dans le cimetière des Glières (Haute-Savoie), où sont enterrés les 105 maquisards tués au combat par les nazis, deviser avec d'anciens résistants et se fendre la pêche comme s'il était sur le premier yacht « bling-bling » venu. « Le Canard» (9/5/2007) a déjà raconté la scène : les répliques nazes ; la parfaite goujaterie (un général lui montre un point dans la montagne où certains résistants tombés en embuscade avaient été enterrés dans une fosse commune, et lui explique que leurs dépouilles ont été ramenées dans ce cimetière, il coupe : « C'est quoi, la cascade? C'est magnifique. Ecoutez, je vous aime beaucoup » ; les gags lourdauds complètement déplacés. Séquence d'anthologie qui agit comme un révélateur : si chaque année Sarkozy s'invite aux Glières, haut lieu de la Résistance, c'est par pur calcul politicien. Car, au fond, il n'en a rien à secouer, de la Résistance. Et c'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles le film de Gilles Perret : « Walter, retour en résistance » hérisse les hiérarques UMP de Haute-Savoie, Bernard Accoyer en tête, au point qu'ils ne cessent d'aboyer contre ses prétendus « amalgames ».
Quels amalgames ? On suit le résistant Walter Bassan à Dachau, où il a été déporté, accompagnant des lycéens. On l'entend expliquer que c'est grâce au programme du Conseil national de la Résistance (rappelons son titre merveilleux : « Les jours heureux ») publié en mars 1944 et mis en œuvre après la Libération que nous bénéficions aujourd'hui d'une Sécurité Sociale, d'un régime de retraite par répartition, d'une (encore appréciable) liberté de la presse, etc. On voit Walter Bassan discuter avec son voisin de Haute-Savoie le très coruscant écrivain John Berger. On le voit rappeler le texte de Denis Kessler, idéologue du Medef, révélant en 2007 le fond de la pensée sarkozyenne : « Il faut défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance » Le film se termine sur le rassemblement organisé aux Glières, peu après la pantalonnade présidentielle, par le collectif « Citoyens résistants d'hier et d'aujourd'hui ». Présent sur les lieux, le lumineux Stéphane Hessel, lui aussi résistant et déporté, montre clairement qu'invoquer aujourd'hui l'esprit de la Résistance est on ne peut plus justifié : « Il nous appartient tous ensemble de veiller à ce que cette société reste une société dont nous puissions être fiers, c'est-à-dire pas une société où on expulse les sans-papiers, pas une société où on diminue la Sécurité Sociale, pas une société où la presse et les médias sont largement entre les mains des possédants. "
A l'heure où la France renvoie trois jeunes Afghans dans leur pays ravagé par la guerre, à l'heure où Sarkozy reste les bras ballants devant le trou de la Sécu en train de devenir abyssal- pour mieux nous expliquer d'ici peu qu'il va falloir la « réformer » d'urgence (traduction : la démanteler), le message est limpide.
Revenons aux jours heureux !
Jean-Luc Porquet
07:40 Écrit par Pataouete dans Film Théatre | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : jours heureux, gilles perret, walter retour en résistance