11 août 2009
Francis Jeanson, l'idée d'un monde solidaire
Cet homme avait bouleversé la relation que la gauche entretenait avec la France et le patriotisme. Avant lui, il y avait eu des pacifistes, des insoumis et quelques mutins de mer Noire ou d'Indochine. Les plus radicaux avaient seulement refusé de porter les armes contre la révolution bolchévique et, plus tard, contre les communistes vietnamiens. Ils demeuraient cependant patriotes. Au plus fort de la guerre d'Algérie, Francis Jeanson lança une forme d'action inédite : il s'agissait d'aider le FLN algérien à combattre militairement la France.
Aucune formation de Gauche n'avait alors songé à collecter les fonds pour une organisation qui harcelait les soldats français et menait une guerre de terreur contre les civils « européens ». L'armée avait été déployée en Algérie par un gouvernement socialiste. Les communistes réclamaient la paix, mais se gardaient de soutenir directement ceux qui abattaient les jeunes Français appelés et rappelés. Francis Jeanson se situait deux fois en rupture. fi choisissait ce qu'il considérait comme le camp de la Justice. fi se mettait en danger quand, en métropole, les plus courageux des intellectuels risquaient, au pis, la censure.
La Guerre est finie depuis longtemps. Francis Jeanson vient de s'éteindre à Cap-Ferret.
Le philosophe demeurait fidèle à ses convictions, tenant l'engagement aux côtés des peuples en lutte pour la version contemporaine de l'impératif catégorique. Cependant, son engagement à contre-courant a généré, plus tard, un courant dominant.
Qui ne signerait, aujourd'hui, le manifeste des 121 intellectuels se déclarant coupables d'avoir, comme Jeanson, aidé le FLN ?
en 1960, les signataires plaçaient leurs espoirs en un nouveau type de révolution. En rupture avec le stalinisme; ils n'imaginaient pas que les régimes issus des guerres d'indépendance s'empresseraient de l'imiter.
En Algérie comme ailleurs, les corrompus ont accaparées les richesses et désorganisé l'économie. Ce n'était encore rien.
Au temps de Francis Jeanson, de Franz Fanon, puis de Michel Foucault, il semblait nécessaire de critiquer l'universalisme européen. Notre vieil Occident allait être régénéré par la spiritualité des peuples qu'il avait longtemps tenus pour inférieurs. En fait de nouveauté, nous avons assisté au surgissement d'effroyables vieilleries. La diversité annoncée n'est que celle des fanatismes nationaux, ethniques ou religieux. Les rêves de Francis Jeanson se sont évanouis. Reste une culpabilité à contretemps et un refus, désormais sans objet, de l'identification à la France.
L'engagement dans Guerre d’Algérie passe toujours pour la première source de refondation de la gauche.
La faillite coloniale de la SFIO hante encore les socialistes. Il n'y a pourtant pas d'héritage de cette époque,
sinon cette peur grotesque de rater l'histoire, de basculer du mauvais côté. Dans les temps troublés de l'agonie du colonialisme, Francis Jeanson menait un combat courageux et, déjà, dérisoire. Les idéalistes portaient les valises. Les chefs du FLN se disputèrent le trésor ainsi amassé. Par la suite, ils ont dilapidé l'autre trésor de Francis Jeanson, l'idée d'un monde solidaire.
Cette note est extraite d'un article de Guy KONOPNICKI dans Marianne n° 642
des 121 intellectuels se déclarant coupables d'avoir, comme Jea
10:59 Écrit par Pataouete dans L'Algérie | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : jeanson, algérie, solidaire