Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16 décembre 2009

Maurice ALLAIS Le prix Nobel iconoclaste ... et bâillonné

Le prix Nobel iconoclaste ... et bâillonné

 

Allais.jpgLa «Lettre aux Français» que le seul et unique prix Nobel d'économie français a rédigée pour Marianne aura-t-elle plus d'écho que ses précédentes interventions ? Il annonce que le chômage va continuer à croître en Europe, aux Etats- Unis et dans le monde développé. Il dénonce la myopie de la plupart des responsables économiques et politiques sur la crise financière et bancaire qui n'est, selon lui, que le symptôme spectaculaire d'une crise économique plus profonde : la déréglementation de la concurrence sur le marché mondial de la main-d'œuvre. Depuis deux décennies, cet économiste libéral n'a cessé d'alerter les décideurs, et la grande crise, il l'avait clairement annoncée il y a plus de dix ans.

Eternel casse-pieds

Mais qui connaît Maurice Allais, à part ceux qui ont tout fait pour le faire taire ? On savait que la pensée unique n'avait jamais été aussi hégémonique qu'en économie, la gauche elle-même ayant fini par céder à la vulgate néolibérale. On savait le sort qu'elle réserve à ceux qui ne pensent pas en troupeau. Mais, avec le cas Allais, on mesure la capacité d'étouffement d'une élite habitée par cette idéologie, au point d' ostraciser un prix Nobel devenu maudit parce qu'il a toujours été plus soucieux des faits que des cases où il faut savoir se blottir.

« La réalité que l'on peut constater a toujours primé pour moi. Mon existence a été dominée par le désir de comprendre ce qui se passe, en économie comme en physique. »

Car Maurice Allais est un physicien venu à l'économie à la vue des effets inouïs de la crise de 1929. Dès sa sortie de Polytechnique, en 1933, il part aux Etats-Unis. «C'était la misère, sociale, mais aussi intellectuelle : personne ne comprenait ce qui était arrivé. »

Misère à laquelle est sensible le jeune Allais, qui avait réussi à en sortir grâce à une institutrice qui le poussa aux études : fils d'une vendeuse veuve de guerre, il a, toute sa jeunesse, installé chaque soir un lit pliant pour dormir dans un couloir. Ce voyage américain le décide à se consacrer à l'économie, sans jamais abandonner une carrière parallèle de physicien reconnu pour ses travaux sur la gravitation. Il devient le chef de file de la recherche française en économétrie, spécialiste de l'analyse des marchés, de la dynamique monétaire et du risque financier. Il rédige, pendant la guerre, une théorie de l'économie pure qu'il ne publiera que quarante ans plus tard et qui lui vaudra le prix Nobel d'économie en 1988. Mais les journalistes japonais sont plus nombreux que leurs homologues français à la remise du prix : il est déjà considéré comme un vieux libéral ringardisé par la mode néolibérale.

Allais 2.jpg

Car, s'Il croit a l’efficacité du marché, c'est à condition de le «corriger par une redistribution sociale des revenus illégitimes ».

Car, s'Il croit a l’efficacité du marché, c'est à condition de le « corriger par une redistribution sociale des revenus illégitimes ». Il a refusé de faire partie du club des libéraux fondé par Friedrich Von Hayek et Milton Friedman : ils accordaient, selon lui, trop d'importance au droit de propriété ... « Toute ma vie d'économiste, j'ai vérifié la justesse de Lacordaire : entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la règle qui libère », précise Maurice Allais, dont Raymond Aron avait bien résumé la position :

« Convaincre des socialistes que le vrai libéral ne désire pas moins qu'eux la justice sociale, et des libéraux que l'efficacité de l'économie de marché ne suffit plus à garantir une répartition acceptable des revenus. »

 

Il ne convaincra ni les uns ni les autres, se disant « libéral et socialiste ». Eternel casse-pieds inclassable. Il aura démontré la faillite économique soviétique en décryptant le trucage de ses statistiques. Favorable à l'indépendance de l'Algérie, il se mobilise en faveur des Harkis au point de risquer l'internement administratif. Privé de la chaire d'économie de Polytechnique car trop dirigiste. « Je n'ai jamais été invité à l'ENA, j'ai affronté des haines incroyables ! » Après son Nobel, il continue en dénonçant « la chienlit laisser-fairiste» du néolibéralisme triomphant. Seul moyen d'expression : ses chroniques touffues publiées dans le Figaro, où le protège Alain Peyrefitte. A la mort de ce dernier, en 1999, il est congédié comme un malpropre.

Il vient de publier une tribune alarmiste dénonçant une finance de « casino» : 

 

«L'économie mondiale tout entière repose aujourd'hui sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres dans un équilibre fragile. Jamais dans le passé une pareille accumulation de promesses de payer ne s'était constatée. Jamais, sans doute, il est devenu plus difficile d'y faire face. Jamais sans doute, une telle instabilité potentielle n'était apparue avec une telle menace d'un effondrement général. »

 

 Propos développés l'année suivante dans un petit ouvrage (*) très lisible qui annonce l'effondrement financier dix ans à l'avance. Ses recommandations en faveur d'un protectionnisme européen, reprises par Chevènement et Le Pen, lui valurent d'être assimilé au diable par les gazettes bien-pensantes. En 2005, lors de la campagne sur le référendum européen, le prix Nobel veut publier une tribune expliquant comment Bruxelles, reniant le marché commun en abandonnant la préférence communautaire, a brisé sa croissance économique et détruit ses emplois, livrant l'Europe au dépeçage industriel : elle est refusée partout, seule l'Humanité accepte de la publier.

 

Aujourd'hui, à 98 ans, le vieux savant pensait que sa clairvoyance serait au moins reconnue. Non, silence total, à la notable exception du bel hommage que lui a rendu Pierre-Antoine Delhommais dans le Monde.

 

Les autres continuent de tourner en rond, enfermés dans leur « cercle de la raison»

 

Eric Conan 5 au 11 décembre 2009 / Marianne 

 

* La Crise mondiale aujourd'hui,

Éditions Clément Juglar, 1999.

 

Quelques citations :

 

Du chomage résultent des délocalisations                 

elles mêmes dues aux grande différences de salaires..

Il est indispensable de rétablir une légitime protection

 

 

Si aucune limite n'est posée,ce qui va arriver

sera une augmentation de la destruction d'emplois

et une croissance dramatique du chomage

Les causes de la crise telles qu'elles qu'on nous les présente

relèvent d'une imcmpréhension de la réalité économique.

S'agit-il seulement d'ignorance ?

15:17 Écrit par Pataouete dans Mes humeurs | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : maurice allais, economie, néolibéralisme