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08 avril 2010

Lodi, le camp des oubliés 1955

 

Lodi, le camp des oubliés

Au cours de la guerre d'Algérie, des centaines de Français d'Algérie, sympathisants de l'indépendance, ont été arrêtés et détenus de façon arbitraire pendant des années. Nathalie Funès, grâce à des archives inédites et des témoignages exprimés dans le Nouvel Obs pour la première fois, reconstitue cette page refoulée de l'histoire.

 

Avril 1955

lodi 1.jpgGrâce à ces documents inédits, que nous avons découverts aux Archives, on peut reconstituer en détail la vie quotidienne du camp : courriers du directeur, pétitions des internés, lettres censurées et rap ports des associations qui ont pu se rendre sur place.

La France, des années durant, les a purement et simplement escamotés. Grâce à des archives et à des témoignages inédits, leur histoire peut enfin être reconstituée.

C'est à partir d'avril 1955 et du vote de l'état d'urgence, cinq mois après le début du conflit, que les premiers camps ont commencé à apparaître en Algérie. Pudiquement appelés "centres d'hébergement" ou "d'assignation à résidence", ils ont poussé loin des villes et des regards indiscrets. Dans la boue, au milieu des rats, sous les tentes et les baraques de fortune. Djorf, dans l'Atlas Saharien, Berrouaghia, non loin de Médéa, Saint Leu, près d'Oran, Djelfa au sud d'Alger. A Bossuet, au sud de Sidi Bel Abbès, où Vichy avait enfermé les communistes, les vieilles installations ont repris du service. Les vieilles méthodes aussi. A Paul-Cazelles, dans l'Algérois, on déshabille et on frappe les internés au moindre faux pas. A Tefeschoun, à l'ouest d'Alger, un directeur intérimaire fait tirer sur les prisonniers pour réprimer une tentative de rébellion...."La perte de l'Algérie a été une telle blessure narcissique pour le nationalisme français qu'il a longtemps été impossible de la regarder en face, explique l'historien Benjamin Stora. Encore aujourd'hui, le voile n'a pas été levé sur beaucoup d'exactions. Ces camps, où on a emprisonné, de façon totalement arbitraire, des milliers de gens, essentiellement des Algériens, restent un des derniers tabous». Dans la liste, une dizaine de centres au total, Lodi occupe une place à part. Lodi, c'est le camp des Français d'Algérie

Lodi, c'est le camp des Français d'Algérie

L'endroit est une ancienne colonie de vacances de la compagnie des chemins de fers algériens. A une centaine de kilomètres au sud ouest d'Alger, près de Médéa. Les bâtiments, blanchis à la chaux, du «Petit cheminot de la montagne", sont un peu délabrés. Mais, des fenêtres, on aperçoit les forêts de chênes et les monts enneigés du Titteri. A l'automne 1955, les barbelés commencent à grimper autour des baraques. Un officier de la police judiciaire s'installe dans le fauteuil du directeur. Une vingtaine de gendarmes mobiles montent désormais la garde jour et nuit. Et dans les dortoirs, les fils de cheminots sont remplacés par des instituteurs, des avocats, des médecins, des dockers, des cheminots, des électriciens, des plombiers... Tous suspects, à tort ou à raison, de sympathie ou de soutien à la cause de l'indépendance algérienne. Tous enfermés sans inculpation, sans procès, sans jugement. Sur simple arrêté préfectoral, parfois signé par un sous-fifre. Ils sont cent cinquante en moyenne. Avec chaque semaine, de nouvelles arrivées, de nouveaux départs. Les arrestations se font par vague : anciens membres du Parti communistes algérien, mais aussi syndicalistes, anarchistes, grévistes, membres d'associations religieuses qui ont ouvert, un jour, leur porte à un Fellagha...

 

Lodi 2.jpg