04 avril 2011
La justice a bonne Mine !
Leur emblème, c'est ce casque des "gueules noires", soigneusement conservé. Ils sont 17 survivants des grandes grèves de 1948, virés des mines du Nord et du Pas-de-Calais. Plus de soixante ans ont passé et la cour d'appel de Versailles vient de leur rendre justice, attribuant 30 000 euros à chacun. « Le Canard" (17/10/07) avait raconté leur épopée qui remonte à leur lutte, en 1941, contre Vichy et l'occupant. Communiste et résistant, Georges Carbonier avait alors 18 ans, et, à 14 ans, sa future épouse, Simone, était agent de liaison. Ils ne se sont jamais quittés, ont vécu ensemble la Résistance, le militantisme, les déportations, la Libération et le « Retroussez-vous les manches, Produisez du charbon ! » de De Gaulle. Ils ont trimé. Vite récompensés par des réductions de statut, de salaire et de primes.
La grève qui suivit fut très dure. L'état de siège est décrété et Jules Moch, ministre de l'Intérieur SFIO, fait tirer sur les rebelles. Il y a des morts, des blessés, des centaines d'arrestations, et ces 3 000 licenciements de «délinquants », sans préavis ni indemnités.
Quand Georges sort de prison, il a perdu, comme des centaines de camarades, travail et logement, apanage des vieilles Houillères du Nord. Chassés de chez eux en quarante-huit heures, Simone et lui empilent meubles et affaires dans une charrette à bras ...
Des années passent, vient la retraite, et la vieille colère qui remonte. Georges Carbonier y pense jour et nuit, retrouve d'anciens camarades et écrit à toutes les autorités, ministres, syndicats, élus, demandant réparation des licenciements abusifs.
Il y a quelques années, avant sa mort, Georges avait confié son affaire à Tiennot Grumbach, avocat de la cause ouvrière; c'est lui qui a découvert la faille. Car, en 1984, une loi d'amnistie a reconnu le caractère «discriminatoire» de ces licenciements. Du coup, malgré les soixante ans écoulés, il y a un espoir de voir le dossier repartir, la prescription étant de trente ans à dater de la « découverte» des faits.
Les prud'hommes les envoient bouler, la cour d'appel leur a donné raison. Ultime victoire ... « Au moment où tout, dans la politique de l'Etat, incite à la discrimination, les magistrats ont eu du courage, applaudit M' Slim Ben Achour, autre avocat des "gueules noires". Maintenant, tout le monde saura que leur licenciement était dû à la grève.»
Simone va, enfin, murmurer à son Georges, avec qui elle « parle chaque jour » : « Tu vois, tu as réussi!»
D. S.
07:19 Écrit par Pataouete dans Républiques citoyennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gueules noires, justive, grèves de 1948