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18 mai 2011

Les potards mouillés par les cadeaux des Labos

Les Pharmaciens sont gavés de remises illégales, de livraisons gratuites et de cadeaux. La Sécu finance ce dumping.

Croix verte.jpgVous n'avez rien contre les génériques? " A demandé, tout sourire, le pharmacien. « Au contraire! " s'est empressée de répondre la petite dame. De toute façon, grâce à la carte Vitale, elle n'a même pas à débourser les 49 euros de médicaments que la Sécu se chargera de payer.

Ce que la cliente de l'officine ignore, c'est l'envers du décor. La blouse blanche a d'excellentes et inavouables raisons d'afficher un sourire radieux. Car elle vient, sans vergogne, de se goinfrer et de gruger le fisc avec la complicité d'un fabricant de médicaments génériques, le laboratoire américain Arrow. Vu le nombre de pharmaciens pratiquant ce sport, les sommes en jeu sont considérables.

L'entourloupe est la suivante: la cliente est arrivée avec son ordonnance. Le toubib lui a prescrit trois médicaments qui ont en commun de n'être plus protégés par un brevet. Tout le monde peut en fabriquer, et ils sont désignés par le nom savant de leur molécule. C'est le principe des génériques: ils coûtent en moyenne 30 %  moins cher qu'une marque. Tout le monde y gagne, y compris la Sécu, qui, dans un délai d'environ deux semaines, remboursera le pharmacien bien aimable.

Potards.jpg

 

Boites à malice

Sauf que, ce jour-là, le potard a fourgué à la patiente trois des nombreuses boîtes que lui offre gratuitement le laboratoire en échange de sa fidélité et, surtout, de ses louables efforts pour aiguiller le patient vers ses propres génériques. Les 49 euros qu'il vient d'empocher, c'est du net, du 100 % de bénef.

En principe, les patrons d'officine achètent les boîtes à leur fournisseur. Puis, avant de les revendre, comme tout bon commerçant, ils prennent une marge. Or, pour les produits pharmaceutiques remboursés par la Sécu, la dite marge est strictement encadrée. Dans la lutte sans merci que se livrent les "génériqueurs " pour arracher des parts de marché, tous les coups ne sont donc pas permis. Les entreprises du médicament ont le droit de pratiquer une remise sur facture de 17 % au maximum.

Mais elles ne s'en tiennent pas là ... «La concurrence entre nous est féroce. On est tous limite ", reconnaît un directeur commercial. Et il arrive que la ligne jaune soit dépassée : avec la combine des « unités gratuites ", par exemple, tout bonnement interdite. Ce qui n'empêche pas le laboratoire Arrow d'en inonder le marché. Parfois jusqu'à une boîte sur deux, soit 50 % de remise ...

« Je ne suis pas sûre que ce soit légal ", concède d'ailleurs au « Canard" Anne Baille, la directrice du labo. Parole d'expert: elle est membre du conseil d'administration du Leem, le syndicat de l'industrie pharmaceutique, et vice-présidente du Gemme, son correspondant pour les génériques. Après trois jours d'intense réflexion, elle a fait savoir au « Canard » que tout cela lui semblait « légal dans le cadre de la législation européenne ». Mais cette manip ne revient-elle pas à escroquer l'Etat ? Sur toutes ces boîtes fantômes, le labo ne déclare pas la TVA à 2,1 %. Mais parlez de fraude fiscale et Anne Baille s'étrangle : « Je veux bien admettre qu'il s agit d'une surremise, mais je n'irai pas au-delà. »

Au bon marché

 

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C'est pourtant précisé en toutes lettres dans les documents internes du labo : pour une commande de 30 000 euros, l'officine peut obtenir 1 200 boîtes gratuites, choisies dans une liste de plus de 200 spécialités. Un marché gratuit, avec une seule restriction : ne pas dépasser 600 boîtes s'il s'agit de clopidogrel, générique du Plavix, un peu trop cher. Cette petite merveille a les mêmes vertus que l'aspirine mais coûte ... 22 fois plus cher. A 30,80 euros la boîte, prix public, le pharmacien peut tout de même empocher, au noir, 18 480 euros à chaque nouvelle commande de 30000 euros.

Et ce n'est pas tout. Arrow commerce avec quelques groupements d'achats en gros, dont certains sont même des faux nez du labo. Pour le pharmacien, c'est Noël tous les jours: en plus de sa remise légale de 17 %, et en plus de ses boîtes gratuites, il a droit à 10, 20, voire 40 % de remise supplémentaire dès l'achat de la première boîte. Il faut à tout prix - c'est le cas de le dire - fidéliser le pharmacien.

Question: comment, avec un tel dumping, Arrow n'a-t-il pas déjà mis la clé sous la porte? D'où cet affreux soupçon. Le Comité économique des produits de santé, un appendice interministériel chargé de fixer le prix de chaque spécialité en fonction du coût de production, se laisserait-il rouler dans la farine? Si Arrow peut gagner sa vie en accordant, tout bien pesé, jusqu'à 70 % de remise, c'est à l'évidence que les prix sont fortement surévalués.

Merci qui? Merci, la Sécu, qui paie gentiment. Et creuse son trou !

Brigitte Rossigneux Le Canard Enchainé du 4 mai 2011

Allô, maman, labo !

Les labos débordent d'imagination pour améliorer l'ordinaire des potards et s'attirer leur faveur. Ils paient grassement des publicités dites de "vitrine",.. D'où la présence de tous ces mannequins de carton vantant tel ou tel produit dans la devanture ou à l'entrée de l'officine. Autre astuce, la fourniture de bandeaux à la gloire des comprimés Truc et des ampoules Machin qui défilent en boucle sur l'écran d'ordinateur du pharmacien. Ils sont payés par des régies publicitaires que rémunèrent… les labos.

 

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