02 mai 2011
Tunisie. La contestation permanente?
S'exposait-on à un abus de langage en parlant, dans le feu des événements, de révolution en Tunisie ?
Trois mois après, il faut s'y faire, le système politique tunisien est sens dessus dessous; il s'agit bien d'une révolution. Le pays fonctionnait sous l'autorité d'un parti unique et de son chef. Ce parti est mort et enterré, 51 autres formations politiques ont été légalisées, dont deux islamistes.
Chacun est libre de dire, d'écrire, de chanter comme bon lui semble. Le centre des grandes villes, de Tunis surtout, s'est métamorphosé en forum permanent. Le premier venu prend la parole pour s'adresser à ceux qui veulent bien l'écouter. Le plus souvent pour dire tout le mal qu'il pense des décisions gouvernementales.
Naguère, 10 agents se seraient rués sur le perturbateur, l'auraient roué de coups et mis au trou pour des années. Les opposants d'hier, pourchassés sans répit depuis vingt ans et plus, tiennent aujourd'hui le haut du pavé. Les femmes qui, parfois seules, tenaient tête à la tyrannie refusent souvent ministères et ambassades.
A l'opposé, les complices corrompus de Ben Ali ont fui le pays sous le coup de mandats d'arrêt internationaux. Les flics, dans leurs petits souliers, se terrent.
Du coup, la sécurité n'est plus ce qu'elle était. On a même assisté au premier braquage de banque. Armés de couteaux, les voleurs ont emporté 5 000 €. Pas du grand banditisme, mais le pays, accoutumé à la délinquance zéro, s'est ému au-delà de tout.
L'élection d'une Assemblée constituante, le 24 juillet, mettra fin au régime transitoire que pilote avec tact le vétéran Béji Caïd Essebsi, qui ne souhaite pas s'éterniser au pouvoir. Les Tunisiens espèrent bien que la prochaine Constitution abolira l'élection présidentielle au suffrage universel. Ils ne veulent plus entendre parler d'un grand homme, incarnation de la nation. Ils ne rêvent que d'un Parlement librement élu, d'un gouvernement responsable et d'un président inaugurateur de chrysanthèmes. Elles espèrent aussi la parité !
Ils savent bien qu'avec 51 partis, ils risquent l'instabilité au sommet. Ils ne s'en soucient guère.
Mieux vaut l'instabilité que la dictature.
Guy Sitbon Marianne 9 au 15 avril 2011
07:10 Écrit par Pataouete dans Républiques citoyennes | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : tunisie, contestation permanente, assemblée constituante